dimanche 29 avril 2012

Y a-t-il un cerveau managérial féminin et un cerveau managérial masculin ?


Les entreprises ayant des femmes managers ont des résultats financiers supérieurs car les femmes managers semblent avoir des qualités de leadership plus appropriées. Mais ces différences sont-elles liées au genre ? Ou sont-elles d’un autre ordre ?
Nous vivons un étrange  paradoxe : les entreprises qui ont une plus forte représentation de femmes dans les fonctions de direction (comités de direction et fonctions managériales) sont plus performantes1. Pourtant, le constat chiffré démontre qu’elles sont encore fort peu représentées dans ces fonctions pour l’instant :

- 23,54 % de femmes managers dans les entreprises employant plus de 35 % de femmes ; et 14,61 % seulement dans les entreprises employant moins de 35 % de femmes.2

- Quant aux équipes dirigeantes, c’est pire : 8 % de femmes seulement dans les comités de direction en France ; et 20 % dans les conseils d’administration. 1

Avant même de se situer sur un terrain de justice sociale ou morale, on peut s’interroger sur le manque de pertinence de cette disparité au regard de la performance des entreprises. En effet, la différence est loin d’être marginale : les entreprises à forte mixité dans les équipes dirigeantes ont des résultats financiers supérieurs de 40 % et ont une meilleure résistance à la crise ! 

Il semblerait que le leadership et le comportement organisationnel des femmes managers soient plus appropriés et l’effet immédiat en est un résultat nettement supérieur.

La performance managériale des femmes

Le cabinet McKinsey a retenu neuf comportements de leadership liés à la performance organisationnelle :
  •        Prise de décision participative
  •        Exemplarité
  •        Inspiration
  •        Attentes et reconnaissance
  •        Développement des autres
  •        Stimulation intellectuelle
  •        Communication efficace
  •        Prise de décision individuelle
  •        Contrôle et actions correctrices
Si hommes et femmes pratiquent ces comportements, les femmes, statistiquement, appliquent en moyennes plus souvent au moins 5 d’entre eux. Et notamment 3 : développement des autres, attentes et reconnaissance, exemplarité.

Ce que déclarent les entreprises sur leurs managers féminins

Dans les entreprises qui comptent des femmes managers, celles-ci sont perçues comme ayant des qualités essentielles au management :
  •          Compétences organisationnelles
  •          Audace (sans être « risque tout » !)
  •          Intelligence sociale et émotionnelle (empathie)
  •          Créativité
Si l’on peut se réjouir que des managers mettent en œuvre ces éléments (qu’ils soient femmes ou hommes), Profil-Leader a souhaité savoir si ces différences sont « naturelles » et procèdent du genre ou bien si elles ont une autre explication. 

Y aurait-il une différence « naturelle » liée au genre ?

Que nous disent les neurosciences et l’étude du cerveau lorsque nous examinons certaines des différences qui semblent caractériser les fonctionnements hommes – femmes ?

Par exemple, les femmes seraient plus facilement « multitâches » que les hommes et pourraient faire plusieurs choses à la fois. Cette idée très répandue ne pourrait-elle pas expliquer cette facilité organisationnelle des managers féminins ?  En fait, il est temps de briser un mythe. 

Car en réalité, le cerveau des femmes comme celui des hommes traite les informations de façon séquentielle et ne peut en traiter que 2 en simultané. Le cerveau multitâche féminin est un leurre. Si certaines personnes parviennent à enchaîner plus rapidement que d’autres les séquences, c’est alors une différence d’aptitude individuelle et non liée au sexe. De même pour la supériorité en mathématique longtemps prêtée aux hommes et la performance linguistique attribuée aux femmes. Les études de 2008 sur un échantillon de 10 millions d’étudiants ont indiqué une égalité hommes – femmes qui démontre que lorsqu’il y a différence, elle est, là encore, liée à l’influence des stéréotypes (effet Pygmalion) et aux capacités individuelles. Non au genre.

Grâce aux IRM fonctionnelles et aux échantillons élargis des études neuroscientifiques, les chercheurs détricotent aujourd’hui les idées reçues sur la différence biologique d’aptitudes entre hommes et femmes. 



Nous disposons TOUS de 100 milliards de neurones, reliés entre eux par un million de milliards de connexions synaptiques. Or 90 % de ces connexions s’établissent après la naissance et se construisent en fonction de l’éducation et de la culture dans lesquelles nous nous construisons. Le cerveau se façonne et se réorganise en permanence, tout au long de la vie. C’est la fameuse plasticité cérébrale. Ainsi, les possibilités de connexions et d’organisation du cerveau sont si considérables que les différences comportementales et qualitatives vont se construire avec l’apprentissage individuel. Les hormones elles-mêmes semblent avoir une influence très marginale, et identifiable seulement dans des contextes particuliers (ex.  post-maternité chez les femmes). Souvent soupçonnées d’avoir un rôle sur le comportement d’empathie et de sociabilité chez les femmes et de compétition ou d’agressivité chez les hommes, elles n’ont pas en réalité cette influence biologique.

L’humain grâce à son cortex préfrontal très développé, échappe aux déterminismes biologiques qui avaient été soupçonnés. Et il se construit individuellement, mais considérablement influencé par les stéréotypes et les attendus relatifs au genre.

D’où viennent les compétences managériales des femmes ?

Si l’on accepte le constat des neurosciences dans l’étude du fonctionnement du cerveau, les différences et les compétences s’installent et se développent individuellement par l’apprentissage culturel et éducatif, conscient ou non. Elles ne sont pas biologiques, mais s’acquièrent.

Les capacités organisationnelle et de créativité des femmes pourraient être liées au rôle multifonctionnel que la société leur a dévolu : il faut organiser la vie à la maison (enfants, logistique, courses, cuisine, activités…) et organiser AUSSI la vie professionnelle, où rien ne vous sera pardonné et où il faudra parfois en « donner plus » qu’un homme aux mêmes fonctions. Il vaut mieux être organisée et créative pour trouver des idées facilitantes, des solutions de dernière minute.

Les capacités d’empathie : l’effet Pygmalion (influence du stéréotype sur les comportements) joue à plein ! Une femme est censée être à l’écoute, maternante, compréhensive. C’est ce qui va aider beaucoup d’entre elles à se conformer à cette attente sociale. 

La conclusion est que, homme ou femme, on ne naît pas manager, ainsi que nous l’avons souvent clamé. Mais on peut le devenir. Les études scientifiques et IRMf le démontrent chaque jour, l’apprentissage est la clé. Il faut donc profiter des compétences déjà présentes et pour cela, au vu des statistiques,  confier davantage de fonctions managériales et de direction aux femmes : bénéficions de l’effet Pygmalion dans ce qu’il a de positif ! Mais il est tout aussi capital en parallèle, de former nos managers de manière beaucoup plus étendue et de les accompagner vers les comportements de leadership essentiels. Le « management « comme on peut » ou « au feeling », quel que soit le genre, ne saurait suffire. Dans les années à venir, les entreprises qui auront intégré cette dimension feront sans doute la différence.


1Etude Women Matter réalisée en 2007 par McKinsey & Company dans le cadre de son partenariat mondial avec le Women’s Forum for the Economy & Society.
2Revue CNRS « Travail, genre et société »
Sources générales : Travaux, études, et publications de Catherine Vidal, neurobiologiste à l’Institut Pasteur – Lize Eliot, maître de conférences en neurosciences à l’université de médecine et de science de Chicago – Claude Steele, chercheur à l’université de Stanford – Rebecca Jordan-Young, chercheuse en sciences médico-sociales à l’université de Columbia.

2 commentaires:

  1. Je trouve cet article fort intéressant et je pense que nous devrions effectivement nous y intéresser d'avantage. Cela avant même de parler d'égalité des sexes, car à mon sens avec un peu moins de pré-jugés et de machisme, l'égalité se fera d'elle même.

    Bonne journée à tous!

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour,

    Merci pour votre partage. Effectivement, un grand nombre de stéréotypes conditionnent les relations hommes-femmes, en particulier sur le plan professionnel. Et l'on peut raisonnablement penser que l'éducation et une meilleure connaissance du fonctionnement biologique contribueraient au recul des préjugés et des comportements conséquents.

    Belle journée à vous !
    Sandrine Musel

    RépondreSupprimer