mercredi 30 janvier 2013

Les neuro mythes : "les femmes peuvent faire plusieurs choses en même temps, les hommes non" ; "Nous n’utilisons que 10 % de notre cerveau" …




« Le caractère le plus profond du mythe, c’est le pouvoir qu’il prend sur nous, généralement à notre insu. » - Denis de Rougemont
Les neurosciences s’invitent depuis une dizaine d’années dans bien des domaines de la société. L’économie (neuro-économie), le marketing (neuro-marketing), la justice (des recherches sont en cours), le management (neuro-management)… Les neurosciences apportent en effet un grand nombre de connaissances précieuses, chaque jour enrichies par de nouvelles avancées, et permettent, entre autres, de mettre fin à un certain nombre de croyances erronées et pourtant très partagées. 

Neurosciences et apport de connaissances indispensables aux entreprises

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Si au départ les neurosciences se « contentaient » d’étudier le système nerveux, les progrès technologiques leur ont permis d’évoluer à pas de géant au cours des 20 dernières années. Interdisciplinaires, elles mettent en collaboration plusieurs branches scientifiques : biologie, médecine, psychologie, anthropologie,  chimie, informatique, mathématique. [Elles sont un bel exemple du lien collaboratif que nous encourageons dans les entreprises.] Elles ont amené des découvertes fascinantes sur la compréhension du fonctionnement du cerveau humain, des comportements, de l’intelligence et de la pensée. L’imagerie médicale (IRMf : imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) permet en effet l’observation du cerveau vivant et l’appréhension des processus psychiques en action.

Nous décrivons fréquemment, sur ce blog dont c’est précisément l’objet, l’intérêt et l’apport des neurosciences pour manager et collaborer avec une plus grande justesse. L’éclairage et les outils de compréhension qu’elles nous livrent sur les moteurs, les atouts, les freins humains, sur les comportements en situation de stress ou d’épanouissement ou dans tout type d’action, sont des éléments précieux dont une entreprise ne saurait se passer aujourd’hui dans le développement de sa performance.

Les neurosciences nous permettent aussi de discerner le vrai du faux sur quelques affirmations communément partagées, qui, consciemment ou non, orientent nos représentations, nos interactions, nos regards sur nous-mêmes et sur l’autre, nos attitudes et comportements. Il existe ainsi quelques « neuro mythes », et il nous a semblé amusant de tordre le cou à quatre d’entre eux, ci-dessous, parmi les plus connus.



Les femmes peuvent faire plusieurs choses à la fois  alors que les hommes sont mono tâches
Une idée largement partagée, souvent avec humour, qui parfois arrange ou dessert tant les femmes que les hommes, selon les situations. Quoi qu’il en soit, cette idée est fausse. Le cerveau, qu’il soit masculin ou féminin, traite les tâches de la même manière, c’est-à-dire en alternance. De façon parfois si rapide que l’on a effectivement l’illusion qu’il s’agit d’un traitement simultané. Et cette rapidité de traitement est valable pour deux tâches seulement. Au-delà, le cerveau a des difficultés à gérer. Par ailleurs, pour les hommes comme pour les femmes, il est possible de mener certaines actions automatisées (faire du vélo, courir, faire des photocopies…) tout en menant,  par exemple, une discussion. En effet, les actions dont les gestes sont devenus automatiques ne demandent plus autant de concentration, et peuvent permettre le traitement d’autres tâches. Pour autant, soyons vigilants à cette autre illusion qui nous amène à confondre ce qui est automatisé et ce qui ne l’est pas : les gestes de la conduite sont automatisés pour beaucoup d’entre nous, certes, mais la gestion des événements sur  la route est une sollicitation permanente qui demande de l’attention et des décisions fréquentes. Donc le traitement de plusieurs informations qui s’enchaînent doit aller vite dans notre cerveau et réclame toute notre focalisation. C’est pour cette raison qu’il est contre indiqué de téléphoner en conduisant.

Ce n’est pas à mon âge que je vais apprendre et me former ! C’est trop tard !
Certaines personnes pensent qu’il y a un âge limite pour apprendre. D’autres peuvent aussi cacher quelque paresse homéostatique derrière cette croyance, car apprendre des choses très ou totalement nouvelles demande beaucoup d’énergie. En vérité, l’apprentissage se concrétise dans le cerveau par les connexions qui s’établissent entre les neurones (synapses). Ces connexions synaptiques sont les supports du développement des compétences. Elles se multiplient, se renforcent, s’amenuisent ou se détruisent selon que l’on apprend de nouvelles habiletés, que l’on continue d’exercer une compétence avec plus ou moins d’intensité, que l’on réduise ou cesse une pratique. Cette adaptation des connexions selon nos actions, nos pratiques et nos apprentissages opère une réorganisation permanente de notre cerveau.  C’est ce que l’on appelle « plasticité cérébrale ». Or toutes les études neuroscientifiques démontrent que le cerveau demeure plastique tout au long de la vie ! Et depuis 20 ans, l’on sait aussi que non seulement de nouvelles connexions se créent tout au long de la vie, mais également que certains neurones se régénèrent. Ainsi, l’on peut apprendre à tout âge, même si, de fait, certains apprentissages de base doivent se faire dès l’enfance pour en permettre d’autres (exemple : les règles d’un langage correct ; par contre l’enrichissement du vocabulaire se fait, lui, tout au long de la vie). 

 Nous n’utilisons que 10 % de notre cerveau  
Voici encore une légende urbaine dont on ne connaît d’ailleurs même plus l’origine. L’étude du cerveau démontre au contraire que la totalité de notre cerveau est actif et utilisé, même lorsque nous dormons, même lorsque (pour ceux qui pratiquent) nous méditons. Toutes les régions du cerveau sont interactives et utiles ainsi que le démontre la neuro imagerie. Preuve en est qu’aucune zone cérébrale ne peut être endommagée sans conséquences fonctionnelles plus ou moins graves. Et lorsque des personnes parviennent à reconstruire certaines fonctions malgré des lésions, c’est précisément grâce à la fantastique plasticité du cerveau et des réseaux de neurones qui vont apprendre à pallier les déficits des zones touchées.  

 Cerveau droit, cerveau gauche   
Cette distinction de fonctionnement entre les deux hémisphères, si elle n’est pas fausse, est pour le moins très abusive. En réalité, la répartition des tâches n’est pas aussi nette que l’on a pu le penser avant les progrès de la technologie. Et ce qu’il est important de retenir, c’est que les jugements à fort impact que l’on peut porter, parfois dès l’enfance, sur certaines personnes et leurs capacités ou même sur certaines cultures (matheux/pas matheux pour deux sous, désorganisé/logique…) ne peuvent plus être justifiés par cette seule répartition des domaines de compétences dans le cerveau. En premier lieu, la formulation même de « cerveau droit, cerveau gauche » induit l’idée qu’il y aurait presque 2 cerveaux qui fonctionneraient séparément et pourraient s’ignorer. 

Mais nous n’avons qu’un seul cerveau, composé de deux hémisphères. Les deux hémisphères, reliés par le corps calleux, fonctionnent ensemble et non de manière séparée. Les zones sont interdépendantes, même si, effectivement, il existe des zones fonctionnelles dominantes.  On ne peut pas, par exemple, au vu de tous les travaux actuels, assigner au seul hémisphère gauche l’analyse, la logique, l’écriture, ni au seul hémisphère droit le traitement de l’émotion. Les sous-systèmes répartis dans les deux hémisphères s’activent et travaillent ensemble pour traiter les informations et toutes les tâches cognitives.

Voici donc quelques exemples des « mythes » qui sont déjoués par les connaissances en neurosciences. Il y aura sans doute dans l’avenir bien d’autres idées reçues, engendrant des stéréotypes, que les neurosciences nous permettront de déconstruire. Et s’il est vrai que les mythes sont souvent repris avec humour dans certaines situations où l’on se sent en difficulté (« oh tu sais, je suis un homme, hein, je ne sais faire qu’une chose à la fois » ; « ah, moi on m’a dit que j’étais un cerveau droit, global, alors les détails… ! ») ces mythes impriment et renforcent des croyances auto réalisatrices souvent limitantes. Alors, puisque nous sommes capables d’apprendre tout au long de la vie, nous pourrions apprendre aussi à faire évoluer nos croyances, nos regards, nos représentations.

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