« Le caractère le plus profond du
mythe, c’est le pouvoir qu’il prend sur nous, généralement à notre insu. »
- Denis de Rougemont
Les neurosciences s’invitent depuis une dizaine d’années
dans bien des domaines de la société. L’économie (neuro-économie), le marketing
(neuro-marketing), la justice (des recherches sont en cours), le management
(neuro-management)… Les neurosciences apportent en effet un grand nombre de
connaissances précieuses, chaque jour enrichies par de nouvelles avancées, et
permettent, entre autres, de mettre fin à un certain nombre de croyances
erronées et pourtant très partagées.
Neurosciences et apport de connaissances indispensables
aux entreprises
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Si
au départ les neurosciences se « contentaient » d’étudier le système
nerveux, les progrès technologiques leur ont permis d’évoluer à pas de géant au
cours des 20 dernières années. Interdisciplinaires, elles mettent en
collaboration plusieurs branches scientifiques : biologie, médecine,
psychologie, anthropologie, chimie,
informatique, mathématique. [Elles sont un bel exemple du lien collaboratif que
nous encourageons dans les entreprises.] Elles ont amené des découvertes
fascinantes sur la compréhension du fonctionnement du cerveau humain, des
comportements, de l’intelligence et de la pensée. L’imagerie médicale (IRMf :
imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) permet en effet l’observation
du cerveau vivant et l’appréhension des processus psychiques en action.
Nous décrivons fréquemment, sur ce blog dont c’est
précisément l’objet, l’intérêt et l’apport des neurosciences pour manager et
collaborer avec une plus grande justesse. L’éclairage et les outils
de compréhension qu’elles nous livrent sur les moteurs, les atouts, les freins
humains, sur les comportements en situation de stress ou d’épanouissement ou
dans tout type d’action, sont des éléments précieux dont une entreprise ne
saurait se passer aujourd’hui dans le développement de sa performance.
Les neurosciences nous permettent aussi de discerner le
vrai du faux sur quelques affirmations communément partagées, qui, consciemment
ou non, orientent nos représentations, nos interactions, nos regards sur
nous-mêmes et sur l’autre, nos attitudes et comportements. Il existe ainsi
quelques « neuro mythes », et il nous a semblé amusant de tordre le
cou à quatre d’entre eux, ci-dessous, parmi les plus connus.
Les femmes peuvent faire plusieurs choses à la fois alors que les hommes sont mono tâches
Une idée largement partagée, souvent avec humour, qui
parfois arrange ou dessert tant les femmes que les hommes, selon les situations.
Quoi qu’il en soit, cette idée est fausse. Le cerveau, qu’il soit masculin ou féminin, traite les tâches
de la même manière, c’est-à-dire en alternance. De façon parfois si
rapide que l’on a effectivement l’illusion qu’il s’agit d’un traitement
simultané. Et cette rapidité de traitement est valable pour deux tâches
seulement. Au-delà, le cerveau a des difficultés à gérer. Par ailleurs, pour
les hommes comme pour les femmes, il est possible de mener certaines actions automatisées
(faire du vélo, courir, faire des photocopies…) tout en menant, par exemple, une discussion. En effet, les
actions dont les gestes sont devenus automatiques ne demandent plus autant de
concentration, et peuvent permettre le traitement d’autres tâches. Pour autant,
soyons vigilants à cette autre illusion qui nous amène à confondre ce qui est
automatisé et ce qui ne l’est pas : les gestes de la conduite sont
automatisés pour beaucoup d’entre nous, certes, mais la gestion des événements
sur la route est une sollicitation
permanente qui demande de l’attention et des décisions fréquentes. Donc le
traitement de plusieurs informations qui s’enchaînent doit aller vite dans
notre cerveau et réclame toute notre focalisation. C’est pour cette raison qu’il
est contre indiqué de téléphoner en conduisant.
Ce n’est pas à mon âge que je vais apprendre et me former !
C’est trop tard !
Certaines personnes pensent qu’il y a un âge limite pour
apprendre. D’autres peuvent aussi cacher quelque paresse homéostatique derrière
cette croyance, car apprendre des choses très ou totalement nouvelles demande
beaucoup d’énergie. En vérité, l’apprentissage se concrétise dans le cerveau
par les connexions qui s’établissent entre les neurones (synapses). Ces
connexions synaptiques sont les supports du développement des compétences.
Elles se multiplient, se renforcent, s’amenuisent ou se détruisent selon que l’on
apprend de nouvelles habiletés, que l’on continue d’exercer une compétence avec
plus ou moins d’intensité, que l’on réduise ou cesse une pratique. Cette
adaptation des connexions selon nos actions, nos pratiques et nos
apprentissages opère une réorganisation permanente de notre cerveau. C’est ce que l’on appelle « plasticité
cérébrale ». Or toutes les études neuroscientifiques démontrent que le cerveau
demeure plastique tout au long de la vie ! Et depuis 20 ans, l’on sait aussi que non
seulement de nouvelles connexions se créent tout au long de la vie, mais
également que certains neurones se régénèrent. Ainsi, l’on peut apprendre à
tout âge, même si, de fait, certains apprentissages de base doivent se faire
dès l’enfance pour en permettre d’autres (exemple : les règles d’un
langage correct ; par contre l’enrichissement du vocabulaire se fait, lui,
tout au long de la vie).
Nous n’utilisons que 10 % de notre cerveau
Voici encore une légende urbaine dont on ne connaît d’ailleurs
même plus l’origine. L’étude du cerveau démontre au contraire que la totalité de notre
cerveau est actif et utilisé, même lorsque nous dormons, même
lorsque (pour ceux qui pratiquent) nous méditons. Toutes les régions du cerveau
sont interactives et utiles ainsi que le démontre la neuro imagerie. Preuve en
est qu’aucune zone cérébrale ne peut être endommagée sans conséquences fonctionnelles
plus ou moins graves. Et lorsque des personnes parviennent à reconstruire certaines
fonctions malgré des lésions, c’est précisément grâce à la fantastique plasticité
du cerveau et des réseaux de neurones qui vont apprendre à pallier les déficits
des zones touchées.
Cerveau droit, cerveau gauche
Cette distinction de fonctionnement entre les deux
hémisphères, si elle n’est pas fausse, est pour le moins très abusive. En
réalité, la répartition des tâches n’est pas aussi nette que l’on a pu le
penser avant les progrès de la technologie. Et ce qu’il est important de
retenir, c’est que les jugements à fort impact que l’on peut porter, parfois
dès l’enfance, sur certaines personnes et leurs capacités ou même sur certaines
cultures (matheux/pas matheux pour deux sous, désorganisé/logique…) ne peuvent
plus être justifiés par cette seule répartition des domaines de compétences
dans le cerveau. En premier lieu, la formulation même de « cerveau droit,
cerveau gauche » induit l’idée qu’il y aurait presque 2 cerveaux qui fonctionneraient
séparément et pourraient s’ignorer.
Mais nous n’avons qu’un seul cerveau,
composé de deux hémisphères. Les deux hémisphères, reliés par le corps calleux,
fonctionnent
ensemble et non de manière séparée. Les zones sont interdépendantes,
même si, effectivement, il existe des zones fonctionnelles dominantes. On ne peut pas, par exemple, au vu de tous les
travaux actuels, assigner au seul hémisphère gauche l’analyse, la logique, l’écriture,
ni au seul hémisphère droit le traitement de l’émotion. Les sous-systèmes
répartis dans les deux hémisphères s’activent et travaillent ensemble pour
traiter les informations et toutes les tâches cognitives.
Voici donc quelques exemples des « mythes » qui
sont déjoués par les connaissances en neurosciences. Il y aura sans doute dans
l’avenir bien d’autres idées reçues, engendrant des stéréotypes, que les
neurosciences nous permettront de déconstruire. Et s’il est vrai que les mythes
sont souvent repris avec humour dans certaines situations où l’on se sent en
difficulté (« oh tu sais, je suis un homme, hein, je ne sais faire qu’une
chose à la fois » ; « ah, moi on m’a dit que j’étais un cerveau
droit, global, alors les détails… ! ») ces mythes impriment et
renforcent des croyances auto réalisatrices souvent limitantes. Alors, puisque
nous sommes capables d’apprendre tout au long de la vie, nous pourrions
apprendre aussi à faire évoluer nos croyances, nos regards, nos
représentations.
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