La motivation est devenue une
préoccupation constante pour les managers ou même les dirigeants. Leur discours
fait état d’un désengagement fréquent des collaborateurs auquel eux-mêmes,
souvent, n’échappent pas.
Deux enquêtes récentes de l’APEC
(l’Association pour l’Emploi des Cadres) confirment que l’optimisme des cadres
a nettement baissé en quelques mois et que 66 % d’entre eux aimeraient changer
de métier. Le résultat 2011 de l’enquête IPSOS / EDENRED menée chaque
année depuis 2007 auprès de 4000 salariés (non cadres, cadres et cadres
dirigeants) montre que satisfaction professionnelle et motivation atteignent
des scores historiquement bas !
A quoi doit-on cette baisse générale de la motivation ?
Une réponse communément avancée
est que la société a changé. Que les valeurs d’engagement, de respect de la
hiérarchie sont moins fortes et que le travail devient moins central que les
loisirs.
Pourtant, un phénomène évident
nous porte à chercher l’explication ailleurs. En effet, parallèlement à la
démotivation constatée, l’engagement associatif
bénévole, lui, ne cesse d’augmenter. Treize millions de personnes œuvrent
actuellement bénévolement dans des associations1 et chaque jour se créent 190 nouvelles
associations. Certaines d’entre elles
reçoivent un si grand nombre de demandes de participation et d’offres de CV par
an qu’elles ne peuvent pas toujours répondre ni permettre aux candidats
d’apporter leur contribution.
Ceci tend à démontrer que l’envie
de s’impliquer et les fondements de l’engagement sont toujours présents dans la
société. En revanche, l’environnement professionnel, qui lui a fortement changé depuis une trentaine
d’années, offre sans doute beaucoup moins de repères stimulant la motivation.
Au regard des neurosciences, de quoi se nourrit la motivation ?
Intégrant certains des aspects
développés par des théoriciens célèbres, les neurosciences posent pourtant aujourd’hui
un éclairage plus précis sur les éléments complexes qui génèrent et
nourrissent la motivation.
A partir des principes de vie et
d’équilibre mis en lumière par Henri Laborit (recherche de gratification et évitement
du danger pour tout individu) puis de l’étude fonctionnelle du cerveau, les
neurosciences distinguent (en résumant) trois grandes sources de
motivation :
- Une source liée au besoin homéostatique. Elle pousse à satisfaire les besoins d’équilibre. Celui-ci étant apporté non seulement par la nourriture et la sécurité mais également par d’autres éléments favorisant aussi la survie :
- La capacité
instinctive de découvrir : explorer, rechercher, créer de nouvelles
ressources afin d’adapter son environnement et garantir la survie future.
- La capacité instinctive d’intelligence
émotionnelle et sociale : pouvoir (s’) identifier (à) ce que ressent
autrui par imitation (neurones miroirs) et partager de l’émotion (empathie)
avec lui, s’allier dans une coopération utile à la survie des deux (ou plus).
Ainsi la solidarité et l’éthique ont-elles un fondement biologique et sont une source
de motivation forte du système humain. Mais il faut également comprendre que
selon les personnes et les contextes, la préoccupation immédiate prime parfois
sur l’intérêt futur.
- Une source conditionnée qui motive à agir en reproduction ou en opposition, mais en fonction l’environnement où nous nous sommes construits : notre milieu familial, social, géographique, culturel, notre histoire vécue. La mémoire joue ici un rôle central.
- Une source de motivation dite « préfrontale » : correspondant à l’activation des lobes préfrontaux du cerveau cette source correspond au besoin de sens et de compréhension, de plaisir de la connaissance, du savoir, de l'exploration. C'est la source d'ouverture à l'enrichissement de nos "bases de données" de reconnaissance de formes.
De la valeur travail à la logique financière : la démobilisation
déplorée en entreprise
La démobilisation largement
constatée s’explique notamment par le changement de logique des entreprises. Nous
sommes passés, au cours des 25 à 30 dernières années, de la valeur travail à
une logique financière. Le résultat n’est plus mesuré à l’aune de la qualité du
travail mais à l’importance des profits réalisés. L’humain, bien que central dans le processus, est plutôt considéré
comme un coût et donc comme une « variable d’ajustement ». Ainsi,
ce changement de logique a-t-il totalement modifié les rapports professionnels.
Pour les entreprises, les luttes et stratégies commerciales se font plus dures,
elles doivent être réactives, s’adapter très vite, obtenir des résultats
rapidement. Mais tout ceci repose précisément sur les collaborateurs pour
lesquels la pression s’accroît. Il faut faire plus avec moins et plus
rapidement. Directement ou indirectement, la concurrence entre les
individus est exacerbée. Bien des managers, eux-mêmes sous pression et se
sentant démunis, se « réfugient » dans une pratique autoritaire peu
stimulante, voire stressante. Il s’en suit un désengagement fréquent, qui se
vit de l’intérieur, car malgré l’envie de changer, la réalité du marché du travail
freine bien des passages à l’acte. On rêve d’un ailleurs plus humain.
Que se passe-t-il alors ?
Dans les organisations
fonctionnant sur un tel modèle, un morne retrait s’installe. L’on se fait
discret, on fait son travail, sans plus. On opte pour un ennui tranquille et
rassurant mais non épanouissant. Beaucoup de ces personnes vous diront que
« leur vie est ailleurs »… notamment dans les associations ! Caritatives,
culturelles ou autres. Et l’on passe ainsi d’un engagement professionnel à un
engagement sociétal. Les managers eux aussi soumis à une pression grandissante
ne savent pas toujours mettre en œuvre les moyens de remobiliser leurs équipes.
Surtout lorsqu’ils sont eux-mêmes désenchantés.
Oui, on peut agir !
Si la motivation est au cœur de
la problématique de bien des managers ou même des dirigeants, elle est aussi un axe central du management humaniste (guidé
par les neurosciences). Les solutions sont de plusieurs ordres mais passent la
plupart du temps par un changement de culture : de l’organisation ou a
minima de l’équipe. Cela demande du temps. Les solutions nécessitent souvent un
accompagnement extérieur qui permet de franchir les caps plus sereinement. Et l’amélioration
sera d’autant plus sensible que les instances dirigeantes seront fortement
porteuses du changement en s’inscrivant elles-mêmes dans une exemplarité
motrice.
Les axes de travail sont
nombreux. Toutefois, l’une des bases de travail que nous souhaitons évoquer ici
et qui permet de réactiver la motivation est la reconstruction de la notion de
« Métier ». En effet, la
motivation suppose, par définition étymologique, un lien émotionnel avec
l’activité que l’on exerce. Mais parmi les changements structurels subis par le
monde professionnel, nous pouvons largement déplorer le passage du « Métier »
à la notion « d’emploi »,
de « poste », de « fonction » ou de « job » qui amènent un détachement
émotionnel.
Aimer ce que l’on fait, c’est aimer le faire bien, comprendre pour quoi
on le fait (LE SENS) et ressentir l’utilité de notre contribution.
Ne parle-t-on pas autrefois des Arts
et Métiers ? Notions qui résonnent de façon un peu désuète sauf pour l’école
prestigieuse du même nom. Le métier est alors un art que l’on est fier de
maîtriser. Le métier appelle à mettre « du sien », un pan de soi-même. Développer, mettre en œuvre des
compétences que l’on fait évoluer jusqu’à la maîtrise et l’expertise dans une
autonomie qui rend artisan de son quotidien, apte à transmettre à d’autres. De cette maîtrise, du sentiment d’un
savoir-faire personnel exercé, de cette autonomie, naît ce plaisir émotionnel
nécessaire à l’estime de soi et à la motivation. Quel que soit le domaine où le
métier s’exerce, il permet de nourrir le
sens, un sentiment d’utilité et une
fierté qui alimentent l’engagement et le sentiment
d’appartenance. L’apprentissage et le développement de nouvelles compétences
de savoir-faire et de savoir-être entretiennent et enrichissent ces plaisirs. Le métier, pour
un individu, est une partie de lui-même. La fonction ou le poste, nullement
identitaires, ne sont qu’un moyen de s’assurer une place sociale en percevant une
rémunération.
A de rares exceptions près, il
est difficile (et de courte durée) de stimuler l’attachement émotionnel fort et
engageant, en parlant de gains de productivité ou de fusion-acquisition. Les
perspectives de gains et les gains eux-mêmes peuvent réellement avoir un effet
excitant pendant un certain délai. Cependant l’effet a une durée limitée et ne
produit pas d’engagement profond et durable. Il ne faudrait bien sûr pas en
déduire que la rémunération n’a pas d’impact. Mais cela ne fonctionne que dans
un sens : une augmentation de rémunération a une influence positive
limitée dans le temps ; à l’inverse, une rémunération perçue comme
insuffisante voire injuste est un facteur de démotivation important.
Il est essentiel, lorsque l’on
veut réinsuffler de la mobilisation dans une organisation (entreprise privée tout comme institution publique) de réhabiliter cette
notion de Métier. Ceci afin de recréer de l’attachement émotionnel, de la
fierté à se sentir compétent et « responsable » de bien exercer, de
la fierté à se sentir utile par son savoir-faire.
Bien sûr, la reconstruction de la
notion de Métier n’est qu’une étape dans un processus de fond ambitieux qui
devra être mené. Si l’on veut remobiliser les collaborateurs (notamment les
nouvelles générations) l’entreprise devra « tricoter » un
environnement propice. Propice au développement du sentiment d’utilité perçu et
reconnu, au développement de la
créativité et du sens. Un environnement exigeant dans lequel l’autonomie,
le sentiment de choix responsable, la montée en compétences, mais aussi l’éthique,
l’empathie, le collectif et la solidarité seront encouragés. Les managers ont
un rôle majeur dans cette tâche. Eux-mêmes dont on dit qu’ils ont une « fonction
de managers ». Comprenons que manager est un métier !
Car la motivation ne se décrète
pas. Mais on crée les conditions de son développement… ou pas. Néanmoins, ce
que l’on constate à coup sûr est que des collaborateurs heureux et motivés sont
« contagieux » et font des clients heureux et motivés.
1 – Source : Conférence de
la Vie Associative : http://www.associations.gouv.fr/IMG/pdf/dp-conf-vie-associative_230106.pdf
Bonjour et merci pour cet article
RépondreSupprimerJe lui ai attribué comme réaction "passionnant". J'ai notamment été touché par l'image du retrait discret consistant à "faire son travail, sans plus". Ce retrait dans le travail déshumanise celui-ci. Au quotidien, nous en souffrons tous et toutes, je crois. Aussi, faire revenir l'engagement qui existe dans le bénévolat vers le métier, quelle belle ambition. Vues ainsi, les neurosciences prennent valeur de pédagogie ; elles deviennent outils pour une action se passant de grands mots et consistant en actes, concrets…
Serge Meunier
Merci beaucoup pour votre commentaire !
RépondreSupprimerVous avez raison, les neurosciences sont un outil. Et comme tout outil, on peut l'utiliser pour le pire ou pour le meilleur. Et le choisir dans une pédagogie destinée à faire évoluer les entreprises et le management vers davantage d'humanité est au cœur de notre action.
This comments are very nice.I have read it.They are good.
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