Leader et
humanistes. Combien de fois, à la juxtaposition de ces deux notions,
entendons-nous objecter : « Mais c’est impossible, et incompatible dans une
entreprise ! ». Il semble que cette conviction soit assez partagée,
parfois bien ancrée. Lorsque c’est le cas, il peut s’ensuivre un « effet Pygmalion » qui vient
automatiquement créer les conditions de réalisation de cette conviction. Ainsi
sommes-nous amenés, dans les accompagnements vers une culture humaniste dans l’entreprise,
à travailler avec les personnes afin que cette croyance ne devienne pas
limitante. L’histoire nous a d’ailleurs démontré que l’alliance du leadership
et de l’humanisme peut soulever des montagnes : Ghandi, Martin Luther
Luther King, Nelson Mandela ne sont-ils pas les éminents représentants de la
puissance d’action de cette alchimie ?
Des personnages
emblématiques, certes, mais quid des leaders humanistes dans l’entreprise ?
Le pari peut paraître plus osé et le concept antinomique dans l’entreprise... à première vue.
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Martin Luther King |
Pourtant, en y
regardant de plus près, il ne manque pas de patrons et de managers à la fois
leaders et humanistes. Moins emblématiques sans doute, œuvrant en toute
modestie dans des PME, ils sont rarement suffisamment médiatiques pour que le
succès de leur leadership humaniste dépasse les murs de leurs entreprises.
Néanmoins, quelques uns marquent ou ont marqué notoirement les esprits par la
pratique d’un management humaniste. Parmi eux, quelques exemples : Jean-François
Zobrist (Société Favi), Christian Boiron (Laboratoires Boiron), Olivier Lecerf
(Société Lafarge – Olivier Lecerf est décédé en 2006), Phu Tran Van (Groupe
Corèle international), Romary Sertelet (Groupe KME). Bien d’autres mériteraient
d’être cités, célèbres ou anonymes.
La force et les
modes d’action des leaders humanistes
Avec
l’émergence des savoirs partagés, la tendance collaborative due aux réseaux
sociaux, la poussée de la génération Y et tout simplement l’évolution des
consciences, les processus autoritaires et hiérarchiques s’essoufflent. Ceci étant, il est des structures (citées notamment au paragraphe précédent) où d’autres
leviers de leadership sont à l’œuvre. En fait, pour comprendre ce qui fait la
force d’un leader, et notamment d’un leader humaniste, il faut s’intéresser aux
collaborateurs : ce qu’ils disent, ce qu’ils font, et aussi quelles zones cérébrales sont activées lorsqu’ils sont en présence de pratiques managérialeset relationnelles humanistes. Et l’on constate que dans ce cas, les actions et
démarches permettent de solliciter, dans les cerveaux des collaborateurs,
plutôt les circuits de la récompense, les zones préfrontales de la projection,
de la réflexion, du sens. Et le moins possible les circuits d’évitement, de lutte ou de soumission.
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5 Jean-François Zobrist société Favi |
Il y a matière
à de nombreuses pages pour expliquer et neuro décoder les leviers d’action
des leaders humanistes et les circuits cérébraux qui sont sollicités. Ce que l'on constate, c'est que les leaders humanistes comprennent (intuitivement ou par l'acquisition de savoirs) les mécanismes du cerveau humain. Ils s'adressent à toutes les aires cérébrales de leurs collaborateurs (et non seulement aux zones limbiques) de manière appropriée pour en favoriser l'activation utile et apaisée. Citons
simplement cinq éléments-leviers parmi tous ceux que nous pourrions longuement
évoquer et décrire.
- La confiance : rassurer les profondeurs du cerveau (les noyaux amygdaliens qui gèrent les émotions et surtout la peur). Permet d'éviter la perte d’énergie et de temps dans les conflits, et de favoriser le développement de l’autonomie.
- L’encouragement des liens sociaux et de la solidarité : plutôt que la concurrence interne. La collaboration est tout autant inscrite dans la biologie et l’évolution humaine que la compétition. Et il est au final plus utile et plus durable, pour l’humain comme pour l’entreprise, de favoriser ce levier solidaire.
- L'enthousiasme : qui alimente la projection du résultat, se transmet par les neurones miroirs et nourrit l'action/la motricité.
- Une exigence appropriée : qui s’adapte au niveau de compétence mais qui, surtout, encourage l’évolution des compétences et l’apprentissage, pour lesquels est programmé le cerveau humain.
- Une stimulation de la créativité individuelle et collective : parce que l’intelligence humaine progresse et que l’entreprise devient/reste performante grâce à ses potentiels créatifs. Et parce que la créativité active fortement les circuits de la motivation intrinsèque et de la récompense. A ce titre, la stimulation créative est un fort levier d’action des leaders humanistes.
Les leaders
influencent le devenir d’une société ou d’un groupe par leur personnalité,
valeurs, comportements, compétences, charisme, buts… et l’inter relation avec
leur(s) équipe(s). Dirigeants ou managers, les pratiquants de l’humanisme en
entreprise ont, comme les autres, des objectifs à atteindre, un contexte
concurrentiel et d’incertitude, des délais à respecter et des équipes à animer.
Mais leur idée force est qu’ils considèrent que les collaborateurs sont LE
moteur de l’entreprise. Que la santé et le développement de l’entreprise sont
liés à la santé (au sens holistique du terme) et au développement humain des
collaborateurs. Ainsi humains et entreprise sont-ils pris en compte dans une
dynamique systémique et holistique. D’où un management participatif plutôt qu’autocratique,
une vision plaçant l’humain et l’éthique au cœur des décisions stratégiques.
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6 - Phu Van Tran - Société Corèle |
Intérêts de l’entreprise et des collaborateurs sont
liés. Par exemple, santé et développement de l’entreprise,
sont directement liée à la santé des collaborateurs. Arrêts de travail et accidents des
employés sont des indicateurs factuels de mauvaise santé (physique ou
psychologique) ou protestataires qui impactent soit directement soit par des coûts
indirects ou cachés la performance de l’entreprise. Mais y a-t-il partout une conscience de
ce lien direct ?...
Depuis une
quinzaine d’années, les collaborateurs ont changé. La génération Y a ouvert la
voie et livre l’expression la plus perceptible de cette évolution. Les
collaborateurs, s’ils n’ont pas de pouvoir hiérarchique, disposent d’un fort
pouvoir d’inertie (présentéisme) et de résistance passive. Ils sont souvent moins enclins à
« obéir » aveuglément sans comprendre le SENS des décisions et
consignes.
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4 La source du bonheur est dans notre cerveau |
Un grand nombre d’études ont été menées depuis une dizaine d’années
sur la psychologie des collaborateurs et des « suiveurs ». Citons par
exemple les travaux du spécialiste britannique de psychologie des
organisations Adrian Furnham ou encore cette étude allemande conduite auprès de
12.500 employés3. Tous ces travaux convergent vers des critères attendus par les collaborateurs de leurs managers et leaders. Notamment,
pour ne citer que cela, l’orientation vers l’avenir et la capacité à
inspirer les autres : en cette période d’attentisme et de pessimisme exacerbé,
il y a matière à réfléchir sur la propension des dirigeants à se projeter, à
penser l’avenir et à construire une vision, donc à entraîner des équipes dans une
aventure… Mais ce qui est attendu aussi des leaders (et présent chez les
leaders humanistes) : l’intégrité, la confiance mutuelle, la
bienveillance.
Les luttes de
classes ont encore cours il est vrai. Dans les structures où la vision des intérêts
communs n’est pas comprise ou intégrée par les équipes dirigeantes, par
les collaborateurs, ou par des instances syndicales. L’entreprise qui, au travers des individus dirigeants, fait
évoluer son niveau de conscience et agir son cortex préfrontal (oui, l’entreprise
a un cerveau) sort d’une vision McGrégorienne du collaborateur (tayloriste) de
type X¹. Ses leaders entrent alors dans des modes relationnels plus
coopératifs, responsabilisants et intra-preneuriaux plutôt que coercitifs. Le
leadership humaniste s’inscrit dans cette vision de la collaboration. Les études de performance
sur le terrain et les études menées auprès des collaborateurs2
démontrent qu’un management et une culture d’entreprise humanistes sont plus efficaces à terme
qu’une pratique autocratique. Cela suppose, bien sûr, de s’inscrire dans
une vision à long terme de la collaboration et de privilégier la valeur travail
à la valeur exclusivement financière. Par ailleurs, la collaboration transversale
de plus en plus pratiquée induit de facto des modes de travail plus coopératifs
que hiérarchiques.
Pour aller plus loin, cliquer ici
Pour aller plus loin, cliquer ici
¹
(cf. théorie de X et des Y de McGrégor - http://mip-ms.cnam.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1295877018119
et
http://www.icres.pro/article-4552520.html
)
2
Par exemple : « Gestion des
ressources humaines conforme à la philosophie humaniste et motivations au
travail : exposé théorique et résultats empiriques » - Stéphanie
ARNAUD - Jean-Louis CHANDON ; Centre d’étude et de recherche sur les
organisations et la gestion, Université d’Economie et des Sciences d’Aix
Marseille Paul Cézanne, Institut d’administration des entreprises.
3 James Kouzes et
Barryl Osner (psychologues de l’Université de Santa Clara, Californie)
Etude 2006 de l’Université de Hambourg
4 "La source du bonheur est dans notre
cerveau" - S'appuyant sur les recherches les plus avancées en
neuropsychologie, et en particulier sur les travaux de Jacques et Fanny Fradin
(disciples de Laborit), Christian Boiron s'élève contre nos idées reçues
sur le bonheur. Propre à l'espèce humaine, le bonheur n'est pas le fruit de la
chance ou du hasard.
5
Jean6François Zobrist société Favi :http://www.piom.lu/francais/jean-francois-zobrist.html
6 « Faire repartir la France et l'Europe : La démocratie volontaire »
6 « Faire repartir la France et l'Europe : La démocratie volontaire »
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