Les entreprises ayant des femmes managers
ont des résultats financiers supérieurs car les femmes managers semblent avoir
des qualités de leadership plus appropriées. Mais ces différences sont-elles
liées au genre ? Ou sont-elles d’un autre ordre ?
Nous vivons un
étrange paradoxe : les entreprises qui ont une plus forte représentation
de femmes dans les fonctions de direction (comités de direction et fonctions
managériales) sont plus performantes1. Pourtant, le constat chiffré
démontre qu’elles sont encore fort peu représentées dans ces fonctions pour
l’instant :
- 23,54 % de
femmes managers dans les entreprises employant plus de 35 % de femmes ; et
14,61 % seulement dans les entreprises employant moins de 35 % de femmes.2
- Quant aux
équipes dirigeantes, c’est pire : 8 % de femmes seulement dans les comités
de direction en France ; et 20 % dans les conseils d’administration.
1
Avant même de
se situer sur un terrain de justice sociale ou morale, on peut s’interroger sur
le manque de pertinence de cette disparité au regard de la performance des
entreprises. En effet, la différence est loin d’être marginale : les
entreprises à forte mixité dans les équipes dirigeantes ont des résultats financiers supérieurs de 40 % et ont une meilleure résistance à
la crise !
Il semblerait
que le leadership et le comportement organisationnel des femmes managers soient
plus appropriés et l’effet immédiat en est un résultat nettement supérieur.
La performance managériale des femmes
Le cabinet McKinsey
a retenu neuf comportements de leadership liés à la performance
organisationnelle :
- Prise de décision participative
- Exemplarité
- Inspiration
- Attentes et reconnaissance
- Développement des autres
- Stimulation intellectuelle
- Communication efficace
- Prise de décision individuelle
- Contrôle et actions correctrices
Si hommes et
femmes pratiquent ces comportements, les femmes, statistiquement, appliquent en
moyennes plus souvent au moins 5 d’entre
eux. Et notamment 3 : développement
des autres, attentes et reconnaissance, exemplarité.
Ce que déclarent les entreprises sur leurs
managers féminins
Dans les
entreprises qui comptent des femmes managers, celles-ci sont perçues comme
ayant des qualités essentielles au management :
- Compétences organisationnelles
- Audace (sans être « risque tout » !)
- Intelligence sociale et émotionnelle (empathie)
- Créativité
Si l’on peut
se réjouir que des managers mettent en œuvre ces éléments (qu’ils soient femmes
ou hommes), Profil-Leader a souhaité savoir si ces différences sont « naturelles » et procèdent du genre
ou bien si elles ont une autre explication.
Y aurait-il une différence
« naturelle » liée au genre ?
Que nous disent
les neurosciences et l’étude du cerveau lorsque nous examinons certaines
des différences qui semblent caractériser les fonctionnements hommes –
femmes ?
Par exemple, les
femmes seraient plus facilement « multitâches » que les hommes et
pourraient faire plusieurs choses à la fois. Cette idée très répandue ne
pourrait-elle pas expliquer cette facilité organisationnelle des managers
féminins ? En fait, il est temps de
briser un mythe.
Car en réalité, le cerveau des femmes comme celui des hommes
traite les informations de façon séquentielle et ne peut en traiter que 2 en
simultané. Le cerveau multitâche féminin est un leurre. Si certaines personnes
parviennent à enchaîner plus rapidement que d’autres les séquences, c’est alors
une différence d’aptitude individuelle
et non liée au sexe. De même pour la supériorité en mathématique longtemps prêtée
aux hommes et la performance linguistique attribuée aux femmes. Les études de
2008 sur un échantillon de 10 millions d’étudiants ont indiqué une égalité
hommes – femmes qui démontre que lorsqu’il y a différence, elle est, là encore,
liée à l’influence des stéréotypes
(effet Pygmalion) et aux capacités individuelles. Non au genre.
Grâce aux IRM
fonctionnelles et aux échantillons élargis des études neuroscientifiques, les
chercheurs détricotent aujourd’hui les idées reçues sur la différence
biologique d’aptitudes entre hommes et femmes.
Nous disposons
TOUS de 100 milliards de neurones, reliés entre eux par un million de milliards
de connexions synaptiques. Or 90 % de ces connexions s’établissent après la
naissance et se construisent en fonction de l’éducation et de la culture dans
lesquelles nous nous construisons. Le cerveau se façonne et se réorganise en
permanence, tout au long de la vie. C’est la fameuse plasticité cérébrale.
Ainsi, les possibilités de connexions et d’organisation du cerveau sont si
considérables que les différences comportementales et qualitatives vont se
construire avec l’apprentissage individuel. Les hormones elles-mêmes semblent
avoir une influence très marginale, et identifiable seulement dans des
contextes particuliers (ex. post-maternité
chez les femmes). Souvent soupçonnées d’avoir un rôle sur le comportement d’empathie
et de sociabilité chez les femmes et de compétition ou d’agressivité chez les
hommes, elles n’ont pas en réalité cette influence biologique.
L’humain grâce
à son cortex préfrontal très développé, échappe aux déterminismes biologiques qui
avaient été soupçonnés. Et il se construit individuellement, mais considérablement
influencé par les stéréotypes et les attendus relatifs au genre.
D’où viennent les compétences managériales
des femmes ?
Si l’on
accepte le constat des neurosciences dans l’étude du fonctionnement du cerveau,
les différences et les compétences s’installent et se développent individuellement par l’apprentissage
culturel et éducatif, conscient ou non. Elles ne sont pas biologiques, mais s’acquièrent.
Les capacités
organisationnelle et de créativité des femmes pourraient être liées au rôle
multifonctionnel que la société leur a dévolu : il faut organiser la vie à
la maison (enfants, logistique, courses, cuisine, activités…) et organiser
AUSSI la vie professionnelle, où rien ne vous sera pardonné et où il faudra parfois
en « donner plus » qu’un homme aux mêmes fonctions. Il vaut mieux
être organisée et créative pour trouver des idées facilitantes, des solutions
de dernière minute.
Les capacités
d’empathie : l’effet Pygmalion (influence du stéréotype sur les
comportements) joue à plein ! Une femme est censée être à l’écoute,
maternante, compréhensive. C’est ce qui va aider beaucoup d’entre elles à se
conformer à cette attente sociale.
La conclusion
est que, homme ou femme, on ne naît
pas manager, ainsi que nous l’avons souvent clamé. Mais on peut le devenir. Les
études scientifiques et IRMf le démontrent chaque jour, l’apprentissage est la
clé. Il faut donc profiter des compétences déjà présentes et pour cela, au vu
des statistiques, confier davantage de
fonctions managériales et de direction aux femmes : bénéficions de l’effet
Pygmalion dans ce qu’il a de positif ! Mais il est tout aussi capital en
parallèle, de former nos managers de manière beaucoup plus étendue et de les accompagner
vers les comportements de leadership essentiels. Le « management « comme
on peut » ou « au feeling », quel que soit le genre, ne saurait
suffire. Dans les années à venir, les entreprises qui auront intégré cette
dimension feront sans doute la différence.
1Etude
Women Matter réalisée en 2007 par McKinsey & Company dans le cadre de son
partenariat mondial avec le Women’s Forum for the Economy & Society.
2Revue
CNRS « Travail, genre et société »
Sources
générales : Travaux, études, et publications de Catherine Vidal,
neurobiologiste à l’Institut Pasteur – Lize Eliot, maître de conférences en
neurosciences à l’université de médecine et de science de Chicago – Claude Steele,
chercheur à l’université de Stanford – Rebecca Jordan-Young, chercheuse en
sciences médico-sociales à l’université de Columbia.
Je trouve cet article fort intéressant et je pense que nous devrions effectivement nous y intéresser d'avantage. Cela avant même de parler d'égalité des sexes, car à mon sens avec un peu moins de pré-jugés et de machisme, l'égalité se fera d'elle même.
RépondreSupprimerBonne journée à tous!
Bonjour,
RépondreSupprimerMerci pour votre partage. Effectivement, un grand nombre de stéréotypes conditionnent les relations hommes-femmes, en particulier sur le plan professionnel. Et l'on peut raisonnablement penser que l'éducation et une meilleure connaissance du fonctionnement biologique contribueraient au recul des préjugés et des comportements conséquents.
Belle journée à vous !
Sandrine Musel