dimanche 31 mai 2015

La société Michelin : innovante et Soul'idaire !



A l’occasion d’un événement d’entreprise réunissant 80 collaborateurs, la société Michelin a organisé avec La Consultante Énervante et Sabine Kouli un atelier de chant Gospel le 27 Mai dernier. Une approche innovante en entreprise qui a permis aux participants durant deux heures énergiques d’expérimenter la puissance du chant sur la cohésion et l’enthousiasme. Un vrai moment de joie partagé, et une contribution à une action sociale et solidaire forte. En effet, une partie des fonds de l’atelier sera reversée aux actions musicales « Soul’idaires » de l’association Soul River-Maïeutis : des ateliers de chants organisés pour des personnes en fragilité (insertion, rémission de maladies, personnes victimes de violences, enfants en difficultés ou éloignés de la culture). Le principe : quelques ateliers de chant pour travailler des morceaux qui seront ensuite interprétés sur scène par ces personnes au cours d’un concert avec le groupe Soul River. Une manière de remettre des personnes en difficulté dans une nouvelle dynamique et une confiance retrouvée. Un grand merci à la société Michelin et à ses collaborateurs !

mercredi 18 mars 2015

Le lien social et la reconnaissance, au cœur des besoins et moteurs humains



La reconnaissance : un manque cruel ressenti en entreprise, privée ou publique. Un leitmotiv énoncé régulièrement par les collaborateurs, presque crié dans certaines structures. Un besoin vécu dans leur chair par certaines personnes qui l’expriment au travers de maux divers. Mais pourquoi un tel déficit ? Parce que la reconnaissance contribue à l’équilibre psycho physiologique et est au cœur des besoins et des moteurs de l’humain, alors que l’on a longtemps cru qu’AVANT TOUT autre chose comptaient les besoins matériels.


Une erreur de Maslow et Freud
Maslow nous a proposé dans les années 40 un modèle hiérarchisant les sources de motivations humaines. Il affirmait que la motivation primaire de l’humain est le besoin de se nourrir, les relations affectives n’étant, pour lui comme pour Freud, que secondaires, au service d’autres besoins (pour Freud : les pulsions libidinales). 

L’outil, la Pyramide de Maslow, a été élaboré à partir de cette représentation, ainsi que des croyances et connaissances psycho cognitives dont on disposait à l’époque. Il est important de saluer cet effort, car l’outil avait le mérite de vouloir structurer une réflexion sur le sujet. Néanmoins, il est très étonnant de constater qu’aujourd’hui encore, beaucoup de managers et autres professionnels continuent de se référer au modèle de Maslow ou de Freud ! En effet les apports de ces 20 dernières années sur le cerveau (neurosciences), la psychologie sociale, la sociologie permettent d’éclairer d’une lumière plus précise et plus juste les moteurs de l’humain.


Ce que l’on peut conserver de Maslow, c’est le besoin de survie comme déterminisme de tout système vivant. L’erreur majeure fut de hiérarchiser les besoins, d’y apposer une chronologie, et de positionner comme seule base de survie la physiologie comme étant séparée de la psychologie. En effet, Maslow nous disait que notre premier besoin était de manger et boire pour survivre, et que chaque autre besoin ne pouvait émerger qu’à la condition que le précédent soit comblé. 

Or, le corps et esprit sont un tout cohérent, nous le savons aujourd’hui. Et s’il est évident que l’on va mourir de faim et de soif si l’on n’est pas nourri, l’humain, même bien nourri, peut mourir du manque de lien affectif. Les expériences hygiénistes des orphelinats américains au début du 20ème siècle en ont apporté une douloureuse preuve (voir l’encadré sur « la famine affective »).

Équilibres physiologique et psychologique sont intra dépendants, et intra connectés, sans hiérarchie. Les maux du corps expriment souvent les déséquilibres de nos moteurs psychologiques. L’étymologie du langage reflète cette inter connexion par une racine commune à trois mots : motum (mouvement) qui a donné motricité / moteur ; émotion ; motivation. Motricité : notre corps se meut. Emotion : notre corps est mû. Motivation : notre corps souhaite se mouvoir vers un objectif.
Pas de hiérarchie ni de chronologie dans les besoins-moteurs humains, car plusieurs d’entre eux peuvent être simultanément en creux (ou en plein) et parfois même être en opposition. Et le curseur bouge en permanence au cours de notre vie. 


L’humain : un animal extrêmement social, biologiquement prédisposé aux liens

Pour plus de clarté, partons de la base : l’humain est un animal social. Hypersocial. Tellement social, que dans son évolution, il a fait du groupe un élément de survie individuelle. L’Homme a intégré que chasser, habiter, en groupe était plus efficace et sécure que l’action solitaire. Pour cela, la capacité à développer des liens sociaux, empathiques et collaboratifs serait un avantage majeur. Aussi la coopération fait-elle peut-être davantage partie des moyens de survie que la compétition, malgré ce que des courants de pensée économiques, politiques ou philosophiques nous ont livré durant des décennies. Preuve en est : les grandes catastrophes, naturelles ou non, qui mobilisent toujours spontanément de grands élans de solidarité, d’entre-aide et de compassion vis-à-vis des personnes touchées.

L’hyper sociabilité de l’humain se caractérise par la notion de groupe et d’appartenance. Dans nos cultures, le premier groupe est, normalement, la famille (ce concept n’a pas forcément la même forme partout) qui démarre par l’attachement à la personne ayant la fonction maternelle. C’est la première tribu qui nous accueille et nous… reconnaît. 

La reconnaissance passe donc avant tout par un lien d’empathie : écoute/reconnaissance des émotions et expressions de l’autre humain pour acceptation dans un cercle.

Cette notion d’appartenance au moyen de la reconnaissance empathique est fondamentale pour l’animal humain. L’intégration dans cette première tribu parentale et familiale peut déterminer la manière dont la personne sera en relation avec les autres durant sa vie d’adulte, dans tous les groupes dans lesquels elle aura à s’intégrer : tant dans le cadre des relations amicales, qu’amoureuses et professionnelles. Lorsqu’il y a un déficit de reconnaissance exprimée à un individu dans la tribu familiale, le manque ressenti peut se transformer en déséquilibre qui imprimera la vie, les choix, les comportements et relations de l’adulte.

La condition d’appartenance au groupe, quel que soit le groupe, est donc la reconnaissance mutuelle de ses membres. Il est difficile de se sentir « appartenir » et de trouver sa place dans un groupe qui ne vous reconnaît pas comme membre. 

Il est à présent plus aisé de comprendre pourquoi le manque de reconnaissance perçu peut créer des troubles importants avec un groupe auquel on est supposé appartenir. L’entreprise est un groupe essentiel dans lequel doit s’installer une reconnaissance mutuelle. Or en entreprise, on se trouve à la jonction de plusieurs éléments : le besoin/moteur caractérisant la base sociale de l’humain, le besoin/moteur spécifique de la personne (fonction de son histoire et son vécu personnel), la culture de l’entreprise et des individus.

La reconnaissance : bénéfique pour celui qui est reconnu comme pour celui qui est reconnaissant

La reconnaissance a une réalité physiologique exprimée dans notre cerveau : elle active les circuits
neurologiques de la récompense : noyau accumbens, dopamine. Elle génère également la production d’ocytocine (cf. les travaux du neurobiologiste Paul Zak), l’hormone de la confiance et de la cohésion sociale. Or le système de récompense est à la base des mécanismes de nos motivations, indispensable à la survie. La reconnaissance fait ainsi partie des éléments aussi essentiels à la survie que la nourriture. Elle est, en amont, ce qui va déclencher la motivation à se nourrir (cf. l’encadré sur « La famine affective »). A l’inverse, l’humain est capable de mettre sa vie en danger et aller jusqu’aux extrêmes lorsque le déficit de reconnaissance perçue est insoutenable : grève de la faim pour faire reconnaître une cause, suicide au travail dans certains cas de mise au placard ou de harcèlement.

Depuis quelques années, on sait également que la reconnaissance est non seulement bénéfique pour la personne qui en reçoit les manifestations, mais également pour celle qui l’exprime. Ici la notion de reconnaissance mutuelle prend tout son sens. Les travaux des chercheurs Robert Emmons (Univ. Californie) et Michael McCullough (Univ Miami) ont montré que le simple fait de « remercier » une personne procure un sentiment de bien-être bien sûr pour la personne remerciée, et aussi pour la personne qui remercie, jusqu’à rendre « extrêmement heureux » ! 

La puissance de la reconnaissance est telle que les travaux de ces chercheurs ont pu démontrer un lien entre les émotions positives dues à la gratitude ressentie ET exprimée (il ne suffit pas de ressentir) et la santé physique, mentale et sociale. L’orientation reconnaissante procure bien-être et vision plus positive, réduit les risques de dépression, aide à développer du lien social en favorisant la confiance et les comportements prosociaux.

La reconnaissance mutuelle est un moteur qui peut tout changer pour le vivre ensemble… en entreprise et dans la société

Il devient clair au vu de toutes ces  découvertes que développer les manifestations de reconnaissance mutuelle est un enjeu de bien-être dans l’entreprise et de vivre ensemble dans la société. A l’heure où des radicalisations pseudo religieuses (en réalité identitaires) dangereuses s’expriment, le déficit de reconnaissance perçue semble être un des facteurs majeurs du processus (ce qui ne remet pas en cause la responsabilité des personnes commettant des actes répréhensibles, mais peut permettre des pistes de réflexion et d’actions).

Lorsque l’on constate les bienfaits du phénomène de reconnaissance, il est facile alors de faire le lien, dans l’entreprise, entre équilibre de reconnaissance perçue et motivation à s’engager, à optimiser son action, à développer sa créativité et son utilité, etc. 

Une des difficultés pour l’entreprise est de savoir comment doit s’exprimer la reconnaissance

Mais si le lien cognitif peut aisément être fait (à condition de vouloir entendre, comprendre et d’accepter les remises en question et les prises de conscience…), une des difficultés de l’entreprise est assez souvent de savoir COMMENT peut s’exprimer la reconnaissance. Le premier « réflexe », la pensée la plus immédiate est fréquemment de vouloir manifester la reconnaissance au travers d’une rémunération. Pourtant, méfions-nous des évidences ! En effet, agir sur la rémunération est, semble-t-il, le plus simple pour l'entreprise.  Il faut dire que les collaborateurs sont eux-mêmes victimes de cette illusion qui nous fait croire que le salaire est l’expression la plus importante de la reconnaissance.
L'entreprise croit alors parfois pouvoir faire l’économie de questionner sa culture, le cadre organisationnel, sa politique managériale, la manière dont les personnes interagissent, se parlent, collaborent… et constater, quelques temps après de fortes augmentations, qu’il y a toujours des problèmes de baisse de motivation, de déficit collaboratif, de stress, d’insatisfaction.

Elle n’en est pourtant qu’un des rouages. Rémunérer plus va activer les systèmes de récompense et donc de motivation du cerveau… pendant quelques mois. Mais l’effet est limité dans le temps et dans la puissance. A l’inverse, rémunérer insuffisamment un collaborateur (sentiment d’injustice perçu) sera un facteur de démotivation durable. 

En revanche, instaurer la confiance, développer l’autonomie, permettre les expérimentations, développer des interactions relationnelles et une culture de reconnaissance dans les comportements seront des éléments déterminants. Les comportements par exemple peuvent passer par des choses simples, que l’on oublie souvent : le bonjour le matin (un vrai bonjour, pas un acte insipide), le remerciement (oui, les personnes sont payées pour faire ce qu’elles font, et alors ??? En quoi remercier serait-il contradictoire avec cette réalité ?), le sourire, l’information partagée, l’interaction en face à face plutôt que par mail ou par note de service, des emails aux formes soignées… Une myriade de comportements peut être repensée pour développer une nouvelle culture de reconnaissance au sein d’une entreprise qui aura peut-être aussi à repenser son organisation, sa communication, sa relation client et autres processus. Confère l’excellent reportage de Arte : « Le bonheur au travail ».

Conclusion

En résumé, la reconnaissance procède à la fois d’une exigence et d’une capacité biologique, participe du mécanisme de survie individuelle et collective. A ce titre, elle est un enjeu fondamental de la vie de l’entreprise et de la vie en société. Elle est au cœur d’un fonctionnement optimisé du cerveau, de l’efficacité professionnelle et de l’engagement. Elle est très concrètement au cœur de l’approche opérationnelle humaniste proposée et accompagnée par La Consultante Enervante. Elle est magnifiquement mise en œuvre avec succès par certaines sociétés françaises performantes (Poult, Chronoflex, Favi…). Prendre en compte, en profondeur, en conscience, le moteur de la reconnaissance peut permettre, nous semble-t-il, un tournant déterminant positif dans la vie, le développement des entreprises et de la société dans son vivre ensemble. 

Sources, les travaux de : Martin Seligman - chercheur en psychologie et professeur à l'Université de Pennsylvanie ; Rebecca Shankland - Laboratoire Interuniversitaire de Psychologie Personnalité, Cognition, Changement Social ; Bernadette Lecerf-Thomas (« Activer les talents avec les neurosciences ») ; Paul Zak - neurobiologiqte


dimanche 22 février 2015

Quand la consultante énervante et Sabine Kouli font chanter les Dirigeants Commerciaux de France...

Le 10 Février dernier, la Consultante Énervante animait, en compagnie de Sabine Kouli, la soirée des Dirigeants Commerciaux de France du Pays de l'Ain... A sa façon ! C'est à dire avec un atelier Vox Team : aucun des participants ce soir-là ne s'attendait à chanter du Gospel et à comprendre le lien qu'il peut y avoir entre la musique et le métier de dirigeant ou de cadre commercial. Pourtant, tous se sont prêtés au jeu avec bonheur et étonnement devant leurs propres prouesses. Ils ne pensaient pas "pouvoir le faire"... et ils l'ont fait ! Ils ont créé, le temps d'une soirée, la DCF Gospel Team !

Un journaliste économique était présent, et de son propre aveu, il n'avait jamais vécu une telle soirée dans un réseau professionnel ou business. Il nous a même confié regretter de ne pouvoir vraiment lâcher son stylo pour chanter pleinement avec nous. Il a décrit la soirée dans l'article ci-joint.

La soirée s'est achevée par une animation du groupe Soul River (cliquer ici) qui s'inscrit dans la droite ligne de l'accompagnement de l'entreprise avec l'outil musical et chanté.






samedi 3 janvier 2015

Lâcher la peur : la clé de nouveaux rapports humains, sociaux et économiques



Individuelle et collective, la peur, plus contagieuse qu’Ebola, semble nous envahir si largement aujourd’hui qu’il est peu de discussions, réflexions ou décisions où elle n’est pas perceptible, explicitement ou implicitement. Il suffit d’écouter les mots, d’observer actions et comportements pour la sentir s'inviter et parasiter le climat social.
La Consultante Énervante, témoin de ce phénomène chez de nombreux partenaires, s’est interrogée, avec le filtre neurosciences, en questionnant cette peur en termes d’utilité / contre productivité humaine, sociale et économique.


D’où vient l’anxiété actuelle, si largement partagée ? Le sentiment sociétal d’insécurité s’est insidieusement développé depuis bien des années. Il ancre vraisemblablement ses racines à la fin des 30 Glorieuses. Avec l’émoi des chocs pétroliers des années 70, des premières alertes du chômage, l’émergence du sida, les politiques de rigueur, et le basculement dans la logique financière des années Thatcher et Reagan. Commence alors le dé-tricotage des appuis rassurants : valeurs travail et de protection sociale, associées aux représentations sécurisantes de croissance.

A partir des attentats du 11 Septembre 2001 puis de la progression des nouvelles technologies et de la mondialisation, la perception de danger ne cessera de se renforcer, faisant levier au développement d’intérêts financiers, politiques, idéologiques et médiatiques qui n’auront de cesse de conjuguer leurs efforts pour entretenir un climat délétère.

Les dossiers de la science n° 40 - Août 2010
Des facteurs combinés : biologiques et environnementaux

Aujourd’hui une multitude de craintes pesantes envahissent, grignotent nos cerveaux individuels et sociétaux. Elles ont fermenté durant toutes ces années à partir de deux facteurs combinés :

Un facteur biologique

  •    La prédisposition naturelle du cerveau à détecter/projeter/imaginer les dangers et à tenter de les éviter. 

  •    La forte capacité de contagion qui caractérise l’émotion en général et la peur notamment (grâce aux neurones miroirs).


Élément central d’une mécanique au service de notre survie, la peur est la plus puissante de nos émotions de base, au nombre de quatre (peur, colère, tristesse, joie). Elle est activée dans notre cerveau à partir d'un petit noyau en forme d'amygdale (schéma ci-dessus) qui va enclencher la stimulation du système hypothalamus, hypophyse, hormone ACTH, glandes surrénales, sécrétion de cortisol (hormone du stress). 

C’est grâce / à cause de la puissance de ce processus ancestral de survie que notre cerveau est naturellement plus facilement porté à repérer, projeter les éventualités négatives que les issues favorables. En soutien de cette mécanique, les neurones miroirs et l’empathie nous permettent de ressentir et intégrer ‘en miroir’ les émotions d’autrui. C’est ce qui permet l’effet fortement contagieux de la peur et la transforme en phénomène collectif largement partagé, qui s’amplifie de lui-même.

Un facteur environnemental

  •      De profondes mutations et changements de sociétés sur 30 ans, accélérées depuis dix ans (sachant que le changement est la plupart du temps spontanément perçu dans un premier temps comme un danger pour l’équilibre).

  •       L’orchestration et l’entretien des peurs et des scénarios catastrophes par de nombreux groupes y ayant un intérêt.


Les changements profonds et rapides advenus depuis le début des années 2000 dont la perception collective est celle d’une accumulation de dangers et de risques majeurs : crises économiques, difficultés sociales, pression accrue, incertitudes professionnelles, menaces climatiques, radicalisations identitaires ou (prétendument) religieuses, risques d’épidémies… Autant de sujets sources de stress, d’appréhensions, d’inquiétude, d’anxiété, et de toutes les déclinaisons possibles de la peur.

Fortement médiatisés, les  événements du monde sont scénarisés dans une dramaturgie savamment orchestrée par divers supports d’infos et des groupes de pression cherchant à asseoir un pouvoir, une influence (voir plus bas le paragraphe « A qui profite le crime ?). Exclusivement focalisés sur des drames, certes réels, ces systèmes favorisent l’identification aux situations exposées et induisent le sentiment que « ça peut nous arriver ». Quel que soit le « ça ». Notre peur se forge ainsi dans un cortège, entretenu, de projections négatives de tout poil, qu’elle alimente en retour. Nos effrois se nourrissent d’eux-mêmes, grossissent, « s’obésifient » jusqu’à étouffer notre énergie vitale et nos désirs d’agir. Car parmi les réactions face à la peur, on note souvent la fuite ou l’inhibition de l’action.

Un paradoxe étonnant mais logique
Peur et dérivés (craintes, appréhensions, aversions, méfiance, anxiété, angoisse…) nidifient et champignonnent notamment dans deux contextes pouvant sembler paradoxaux : 

  • En contexte de forte insécurité : guerre, crise économique, sociale, mutations sociétales et sociologiques profondes… Notre environnement global actuel regroupe une conjonction de plusieurs de ces facteurs perçus comme insécurisants, pour les raisons expliquées plus haut.

  • En contexte d’hyper sécurité : connaissant peu de changements ou des changements mineurs, où les personnes sont peu confrontées à ce qui est conventionnellement perçu comme un danger, où l’accent est mis sur la sécurité, la précaution, la protection. Dans la culture, les mots, les actes.

C’est par exemple le contexte de la Fonction Publique. Malgré la sécurité liée au statut, le sentiment de crainte est perceptible. Le système offre pourtant deux protections majeures, particulièrement recherchées en tant de crise : sécurité de l’emploi et assurance d’un revenu régulier. Ici moins qu’ailleurs on pourrait imaginer des raisons de craindre les lendemains. Pourtant, lorsque des problèmes organisationnels et relationnels surgissent, proposer quelques petites solutions de changement demandant par exemple d’expliciter clairement les problèmes, d’interroger et de s’interroger (de s’exposer plus), de poser un cadre plus précis, fait fréquemment émerger la peur. Crainte du changement basée sur… « on ne sait pas dire quoi ». Le risque à changer est factuellement déclaré comme quasi nul par les personnes concernées, le bénéfice est, lui, reconnu comme possible, et pourtant, la peur est la plus forte, sans pouvoir identifier quel pourrait être le danger concret.
L’anxiété sociétale ambiante réussit à envahir et contaminer les milieux qui n’ont pas à craindre les mêmes difficultés, par la simple contamination ambiante et la projection dramatique qu’elle génère.

En fait, peur et danger factuel ne sont pas forcément corrélés. D'ailleurs, selon le baromètre Axa Entreprises de Septembre 2014, seuls 9 % des dirigeants déclarent que leur entreprise va mal et
58 % d'entre eux disent que leur entreprise va bien ou très bien2 !

De vraies difficultés existent incontestablement pour certaines personnes : dépôt de bilan/licenciement, chômage, perte de revenu, maladie, agression…). Mais la force contagieuse de la peur est telle, qu’il n’est pas toujours besoin d’être exposé à de vrais risques soi-même pour ressentir l’anxiété et projeter représentations négatives et cascade de perspectives catastrophes.

A qui profite le crime ? Les médias, et en particulier les chaînes d’info en continu, ont une lourde responsabilité et un intérêt majeur dans cette contagion émotionnelle qui leur assure une audience décuplée et régulière (cf. « Quand les médias jouent avec nos cerveaux et exacerbent des réflexes défensifs » : http://neuroetmanagement.blogspot.fr/2014/02/quand-les-medias-jouent-avec-nos.html).

Route courte et route longue dans le cerveau
Le blog du cerveau à tous les niveaux
De même les extrémismes de tous bords : politiques (toutes étiquettes confondues), pseudo religieux, communautaristes… Tous cultivent leur ferment clientéliste sur ce terreau. Ils conquièrent des « parts de marchés » et fidélisent par ce biais facile puisque favorisé par des dispositions naturelles et demandant moins d’effort énergétique aux individus. 

Ces groupes exacerbent ainsi nos mécanismes biologiques et alimentent la paresse naturelle de notre cerveau pour lequel il est plus aisé de laisser s’exprimer une réaction immédiate de type « route courte » : j’aime / je rejette (voir schéma ci-contre) que de faire l’effort et l’apprentissage d’une pensée complexe (« route longue »). La route courte tient davantage du réflexe que de la réflexion qui, elle, intègre la complexité des situations et la pensée systémique en activant des zones plus nombreuses du cerveau. Mais cette activation de nombreuses zones du cerveau et connexions neuronales, que demande l’organisation de la pensée, consomme une grande énergie pour ouvrir nos systèmes de comparaison, d’ouverture à la relativisation, de compréhension et de réévaluation. La réflexion mobilise attention, concentration, questionnement, apprentissage, projections de plusieurs scénarios, pensée analogique… Un ensemble à l’énergie coûteuse à court terme. C’est pourquoi le cerveau va spontanément chercher à s’économiser en évitant l’effort. Pourtant, cette réévaluation des risques et ce travail de dépassement de la peur est bénéfique à moyen et long terme, individuel autant que collectif. 


La peur crée le danger par « Effet Pygmalion »


Au-delà de de la tension inconfortable qu’elle génère et qui l’alimente (cf. la citation de William James), il faut comprendre que la peur finit par faire réellement émerger le danger que nous craignons, ce qui nous porte ensuite à conclure… que nous avions bien raison d’avoir peur ! C’est ce que l’on appelle l’effet Pygmalion1.

Pygmalion et sa statue
Ceci touche toutes les strates de la société, y compris les milieux dont on pourrait penser que le rationnel soit la base de travail et de conduite : les milieux financiers. Pour preuve, le krach financier qui a fait basculer le monde dans une perception de crise en 2008. Sont-ce de savantes projections rationnelles alliées à de puissants calculs d’ordinateurs et à une conjoncture critique qui ont fait s’effondrer les cours en une journée ? Aucunement. Seule une peur irraisonnée et épidémique née dans le cerveau des traders est à l’origine du marasme : la peur de perdre de l’argent, plus forte que l’attrait de gains potentiels (cf. Neuroanatomy of financial decisions in Neurologia – P. Bermejo, faculté de médecine de Puerta de Hierro, Madrid). La stratégie d’évitement du danger qui en a découlé a précisément créé les pertes en cascade redoutées.

Si l’on considère l’état général actuel de l’économie et des relations humaines et sociales, hélas, on peut faire le même constat de contagion et de prédictions auto réalisatrices par effet Pygmalion. Bien des entreprises retardent des actions, réduisent les stratégies, les visions ambitieuses, les investissements, refusent même parfois d’imaginer l’avenir, par crainte. « on ne peut rien prévoir »  « On ne sait pas ce qui va se passer »… Certaines structures reconnaissent pourtant avoir des commandes et des marchés, mais préfèrent « rester prudentes et attendre que les choses aillent mieux ».
Or cette inaction prolongée, imitée par un grand nombre et déguisée sous le terme de « rester prudent », ce repli sur des scénarios catastrophes, finissent par créer un attentisme collectif. Celui-ci paralyse l’économie et l’évolution sociale. Il accroît la difficulté d’imaginer des solutions et représentations différentes du passé, crée davantage de chômage conséquemment au ralentissement des investissements, fige les échanges, freine les innovations (pas uniquement technologiques), ralentit les apprentissages et la société dans son ensemble. Ainsi, la menace d’une économie bloquée que l’on craignait devient-elle réalité concrète par l’effet Pygmalion1. La peur s’en trouve alors renforcée, et par là même la croyance qu’il vaut mieux attendre que « ça » aille mieux et la boucle est bouclée.

La peur crée ainsi le danger qu’elle voudrait éviter, se renforce et se nourrit ainsi d’elle-même. C’est une boucle de renforcement négatif dont on ne peut inverser le processus que par un effort de conscience, de courage et de confiance dont chaque individu, chaque système, chaque groupe est contributeur.


Un processus ralentisseur de progrès humain, destructeur de sociétés et d’individus  
L’ampleur avec laquelle la peur irradie actuellement nos sociétés, de manière non maîtrisée et à tous propos, ralentit le progrès humain. Elle est, pour ceux qui la ressentent sans la dépasser, un frein à la pensée créative, à l’anticipation et l’adaptation aux changements, à la découverte, à l’ouverture d’esprit en général et à  l’ouverture aux autres.
De la peur des événements et des changements qui induisent des différences, puis de la peur des différences à la peur de l’autre, il n’y a qu’un pas. Générant alors la tentation du repli sur soi individuel ou communautaire pour se rassurer de manière grégaire, provoquant le rejet offensif mutuel ou la fuite devant la différence, elle déstructure les fondements du vivre ensemble d’une société.
Ce processus est cruellement destructeur, tant pour les individus que pour le collectif. Il agit en miroir sur l’un comme sur l’autre. Individuellement, la peur entame la confiance en soi, en l’autre, dans les situations et inhibe la valeur de leurs enseignements. Elle réduit considérablement nos capacités à nous projeter positivement dans un futur, impacte nos décisions, nos actes et construisent un avenir par défaut. Quelle société, quelle entreprise peut se construire de manière florissante pour ses acteurs sur de la peur ?
En outre, ce sentiment, ressenti sur du long terme, active chez les personnes une tension musculaire permanente, une sécrétion de cortisol abaissant leurs défenses immunitaires les rendant plus vulnérables aux maladies en tous genres. La peur active le mécanisme du stress. En seuls termes financiers, le stress et ses maladies corollaires représentent environ 3 milliards par an pour le seul stress au travail (chiffres déjà anciens de l’INRS datant de 2010). Mais le coût financier n’est que la plus bénigne des conséquences par rapport aux problèmes humains de santé et sociaux que les craintes et projections pessimistes engendrent.


Changer de paradigme de pensée grâce à l’opportunité… des crises Les débuts d’année sont de belles occasions de remise en question, de nouveaux départs, de choix différents. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, les crises le sont plus encore !

Bien que vécues par beaucoup d’entre nous, nous le constatons, comme autant de dangers potentiels, elles sont aussi de formidables leviers d’apprentissage. Elles ont un prix très lourd, c’est vrai : de nombreuses personnes en très grandes difficultés de tous types. Mais, précisément, plus ces conséquences sont lourdes, plus elles peuvent et doivent nous inciter à agir. Les crises actuelles et leurs symptômes nous alertent sur des systèmes et comportements qui ne fonctionnent plus, ne sont plus adaptés ou ne sont plus acceptables. 

Elles nous aident, si l’on fait fonctionner notre système d’attention et de réflexion complexe, à faire évoluer notre niveau de conscience, de réflexion et de maturité afin d’imaginer de nouveaux modes de pensée, de projections et d’interactions : humaines, économiques, sociales. Elles sont le déclencheur nécessaire pour apprendre à agir différemment du passé et c’est la perspective d’un nouvel équilibre qui peut nourrir cette motivation.  Pourquoi changer sinon, en effet, si on n’y est pas  « contraint » ?

La conscience pour dépasser la peur
Le premier effort à conduire est un effort de conscience, pour réaliser que la peur n’évite pas le danger mais souvent le crée. Pour accepter que le passé est passé, que les 30 glorieuses ne reviendront pas, qu’il est préférable d’organiser le changement plutôt que de le subir et que de nouvelles stratégies doivent être inventées.


L’audace d’imaginer un nouvel équilibre
Le second travail porte sur l’entraînement à des projections et représentations positives. Imaginer que, malgré nos craintes et nos interprétations, un nouvel équilibre est possible dans et par ce chaos. Que non seulement le pire n’est pas inéluctable, mais que notre futur est toujours fait de ce que nous élaborons individuellement et collectivement. Ceci implique le processus de réflexion complexe évoqué plus haut. Une prise de recul indispensable pour considérer les éléments en passant d’un mode « réaction automatique » (route courte) à un mode d’orientation solutions. L’avenir n’est pas que la résultante des événements, des systèmes, des facteurs externes, ou d’éléments miraculeux. 

C’est à nous d’avoir de l’audace. L’audace de projeter le(s) futur(s) positif(s) que nous souhaitons, même s’il nous semble improbable, irréaliste. Il faut avant tout imaginer et projeter quelque chose pour ensuite le mettre en objectifs puis agir. Que voulons-nous vivre et être dans 20 ans ? Quelle société voulons-nous pour nos enfants et petits-enfants ? Autorisons-nous à une créativité constructive. Le cerveau humain est extraordinairement créatif en situation contrainte.

Le courage d’agir
Le courage est un potentiel qui nous habite tous. Pour que ce potentiel émerge et catalyse, il faut que l’étape précédente soit accomplie. C’est la projection positive d’un nouvel équilibre possible qui permet de passer de la peur au désir/joie d’agir. C’est là encore un entraînement. Le courage et ses bénéfices s’entretiennent, s’exercent, s’expérimentent dans diverses situations. Il passe par une réévaluation des risques et par l’action. Une fois dans l’action, bien souvent, nos peurs disparaissent pour laisser place à la continuité de l’action. Souvenons-nous de nos passages d’examens : nous avions peur et trac avant. Une fois devant la copie, concentrés sur la lecture, la réflexion puis la rédaction, terminé le sentiment de peur.

La confiance pour réussir
Celle-ci est nécessaire pour réussir. Car s’il est important de dépasser ses peurs, il faut bien sûr prendre en compte les obstacles, intégrer les incertitudes fortes et parfois réorienter objectifs et actions. Seul la confiance et le courage peuvent nous donner l’endurance nécessaire à la continuité de l’action et de l’évolution.

La bonne nouvelle...

La bonne nouvelle est que l’effet Pygmalion, dont nous avons vu plus haut la boucle négative, fonctionne aussi en boucle positive ! Cela marche pour encourager le courage, et pour développer la confiance. Si nous croyons véritablement en un futur positif possible, en des actions collaboratives porteuses et en notre capacité à réaliser les objectifs posés, l’effet Pygmalion opère. Il nous aide (consciemment et inconsciemment) à élaborer nos stratégies, à les restructurer au besoin et à les mener à bien.

La mission que s’est fixé la Consultante Énervante est d’aider les entreprises à réaliser ce travail de projection positive, de confiance, et de relations constructives. Ateliers et accompagnements permettent d’installer de nouvelles relations, une nouvelle confiance et de nouvelles interactions entre collaborateurs et managers, entre collègues, entre équipes de direction. Et, au travers d’outils ludiques qui induisent des projections plus positives, des formes de communications différentes et des auto-questionnements bienveillants, il est très encourageant de constater que le plaisir est un moteur puissant du changement. Et de voir avec quel empressement les personnes sont preneuses de légèreté pour remplacer l’anxiété et la pesanteur de la méfiance.

Nous ne pouvons plus nous contenter des seules émotions négatives. Nous devons nous appuyer sur d’autres bases émotionnelles et d’autres projections, à la fois pour mieux vivre le présent et pour préparer l’avenir. Et nous voyons ci-dessus que c’est possible. A nous de le vouloir. En 2015 ? Yes we can !


1Cf. lestravaux de psychologie sociale de Robert Rosenthal – 1971 et du neurobiologiste Antonio Damasio sur les émotions qui déterminent en partie la façon dont nous prenons nos décisions et dont nous construisons nos évaluations et jugements




Neuroanatomy of financial decisions in Neurologia – P. Bermejo, faculté de médecine de Puerta de Hierro, Madrid
Baromètre Axa Entreprise de Septembre 2014: http://www.presse.axafrance.fr/communiques-de-presse/Pages/barometre-preoccupations-chefs-d-entreprise-2014.aspx