mercredi 25 juillet 2012

Pendant les vacances…


Les congés permettent de changer de contexte, et peut-être de réfléchir « autrement », de faire ou lire des choses nouvelles.
Profil-Leader va prendre ses quartiers d’été. Avant cette pause, nous vous proposons quelques options de lectures dans lesquelles vous trouverez peut-être un regard différent et intéressant.
Très bon été à tous !

  • La bonté humaine - Altruisme, empathie, générosité
Jacques Lecomte – Ed. Odile Jacob
…Ou en quoi la bonté, loin du concept mièvre et souvent tourné en dérision, est un facteur « rentable » dans l’entreprise et dans la société dans son ensemble.

  • Socrate, un philosophe au secours de l’entreprise
Damien Goy – Ed. Laurent Dumesnil
S’inspirant de la pratique développée par Socrate (la maïeutique) l’auteur reprend la technique de questionnement du philosophe. Il ouvre ainsi le lecteur à la réflexion sur diverses thématiques et questions éthiques que nous pose le monde de l’entreprise.

  • Le philosophe et le manager
Sous la direction de Rodolphe Borchgrave – Ed. de Boeck
Parce que le management ne se réduit pas à de l’organisationnel, le manager doit penser le monde (cf. article de ce blog "Management et philosophie": http://neuroetmanagement.blogspot.fr/2012/05/management-et-philosophie-un-lien-de.html). Les contributeurs de cet ouvrage nous proposent quelques liens entre la démarche philosophique et le management pour envisager celui-ci sous un autre angle : questionnements, parallèles, réflexions, connaissances. Un ouvrage aussi passionnant qu’étonnant.

  • Valeurs et conscience, un tournant dans le management
Romary Sertelet – Ed. Jets d’encre
Lorsqu’un manager a une vision de la performance de l’entreprise comme étant liée à un management humaniste, il s’appuie sur des valeurs et met en œuvre les éléments qui favorisent l’adhésion, la responsabilisation, la valorisation et l’épanouissement. Il crée les conditions de la réussite.

  • La santé du dirigeant
Olivier Torrès – Ed. de Boeck
Olivier Torrès a créé le premier observatoire de la santé du dirigeant de PME et inauguré en Juin dernier la première chaire universitaire sur ce thème, à Montpellier. Dans cet ouvrage, il a synthétisé avec son équipe des observations, des constats et des analyses. Il apporte ainsi des éléments très concrets et étonnants. En effet, la santé d’une petite entreprise peut être mise en danger dès lors que celle de son dirigeant vacille sérieusement. Au travers de ces pages destinées aux patrons de TPE et PME et aux professions indépendantes, Olivier Torrès nous démontre néanmoins qu’entreprendre est bon pour la santé.

vendredi 29 juin 2012

NTIC : Les interruptions incessantes au travail engendrent un coût humain et financier colossal


Une étude Sciforma de Septembre 2010 démontrait qu’il est impossible pour un salarié français de rester concentré sur une tâche plus de 12 minutes sans être interrompu. Une sur-sollicitation de l’attention due à un environnement de travail technologique qui a évolué plus vite que nos bonnes pratiques et plus vite que la conscience des effets délétères de la fragmentation du travail que cette dispersion entraîne.

Interruptions multiples : notre attention est capturée

Arrivées de mail, messagerie instantanée, fils RSS qui s’affichent en pop-up, Smartphones (appels et SMS), téléphone fixe… autant de signaux sonores et/ou visuels qui viennent nous soustraire à l’activité sur laquelle nous espérions naïvement nous concentrer pour avancer dans notre production. L’étude Sciforma indique que 75% des collaborateurs avouent interrompre leur travail pour regarder le contenu d’un nouveau message reçu. 

Les cadres, quant à eux, sont interrompus en moyenne toutes les 7 minutes dans leur travail ! 

Pouvons-nous ignorer les fenêtres « pop-up » qui surgissent sur notre écran ? Il semblerait que non, car nos neurones rendent « saillants » ces stimuli et organisent le déplacement instantané de nos yeux et de notre attention. Celle-ci est sous l’influence de l’environnement, ce que l’on appelle l’effet bottom up. Elle est capturée et prise dans un enchaînement de réactions et de pensées que, pendant un temps, nous ne contrôlons pas. Notre attention est en permanence réorientée par des forces contraires. Ces stimulations intrusives sont précisément là pour nous interrompre et nous amener à nous intéresser à un événement qu’il serait plus important de traiter séance tenante. Et de fait, par automatisme attentionnel, notre cerveau le considère dans un premier temps comme plus important. 

Certes, d’autres zones du cerveau (lobe frontal) permettent de revenir à notre activité, mais c’est pour une courte durée, et au prix  d’un effort d’attention et une volonté marquée. A terme, cette capacité finit par être diminuée.

Concentration et prise de décisions perturbées

Ces sollicitations incessantes ont pour effet une dispersion mentale qui est loin d’être sans conséquences. La fréquence de la déconcentration finit par perturber de façon durable notre faculté de concentration volontaire. Il devient de plus en plus difficile de se centrer sur une seule activité, même lorsque nous en avons la possibilité, tant l’habitude du zapping est intégrée. En effet, notre système attentionnel automatique étant en permanence stimulé par l’environnement sans avoir d’effort à faire, notre cerveau s’habitue à compter sur des signaux externes pour réactiver sa vigilance. Ceci modifie de façon profonde les focalisations cognitives et il devient alors très difficile de concentrer et maintenir son attention volontairement. 

Nos engagements intellectuels deviennent également plus difficiles à prendre. Car ces sollicitations nous obligent sans arrêt à faire des choix de priorités contradictoires, perturbant notre cerveau qui ne sait alors plus quelle stratégie adopter. Cela  finit par déstabiliser et retarder notre capacité à prendre des décisions et à prioriser. Il devient d’ailleurs de plus en plus fréquent d’intervenir en entreprise pour accompagner des collaborateurs sur le thème de l’arbitrage des priorités.

Les effets psychiques, physiologiques et sociaux des interruptions au travail

Les stimuli qui polluent les environnements de travail et forcent notre attention créent un sentiment d’urgence doublé d’une culpabilité : il faut choisir très vite ce que l’on va traiter et le traiter tout aussi vite ! Tout est plus urgent que l’urgence d’il y a 1 minute (25 % des personnes sondées par l’étude Sciforma on déclaré ne travailler que dans l’urgence). Mais on ne peut plus rien traiter en profondeur. Un sentiment de frustration et d’impuissance en vient souvent à se développer qui émousse la perception de sens et d’utilité de sa contribution, voire le souvenir du travail effectué dans la journée. Une surcharge de travail résulte de ces multiples interruptions. Car la liste des tâches s’allonge au fur et à mesure des sollicitations.


Non seulement le bien-être diminue¹, mais l’épuisement cognitif, l’anxiété et le stress s’installent inévitablement, de façon structurelle et toxique tandis que l’énergie mentale diminue. Le cortisol (hormone du stress) sécrété durablement altère les défenses immunitaires, la qualité du sommeil et conséquemment notre faculté à gérer les situations. C’est une spirale pernicieuse et dangereuse.

Le sentiment d’isolement s’accroît à juste titre. On ne quitte plus son poste de travail afin de ne manquer aucune sollicitation, et parce qu’il est plus simple, pour poser une question, d’envoyer un message instantané ou un email au lieu d’aller dans le bureau juste à côté. Les relations interpersonnelles sont moins nombreuses et appauvries en qualité. La communication virtuelle, directe, rapide, pressée et la plupart du temps maladroite et parfois même hostile génère  émotions négatives, agressivité ou même conflits. C’est tout un climat qui est transformé. Le travail en équipe s’en ressent fortement, la cohésion et l’envie collaborative étant largement dégradées.

Ajoutons que selon une enquête en ligne2 réalisée auprès de 625 personnes aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Norvège et à Hongkong, les collaborateurs sont beaucoup moins impliqués et dans une concentration fortement diminuée lors d’une communication électronique.  Ils sont en revanche beaucoup plus attentifs en présentiel. Notons qu’une personne interrogée sur quatre (seulement !) a déclaré terminer réellement la lecture d’un courrier électronique avant de le supprimer. Combien de messages importants sont-ils supprimés ou oubliés ? Mais on peut également se demander combien de messages envoyés et reçus sont réellement importants ?

Un travail fragmenté altère gravement la performance et représente un coût financier colossal

On choisit de répondre à un collègue par email, on prend un appel téléphonique inattendu, on abandonne une tâche pour se consacrer à une autre qui s’impose messagerie instantanée et qui prend bien sûr 2 à 3 fois plus de temps que les 5 minutes que l’on comptait lui accorder, etc. 

Ces perturbations cognitives ont un effet désastreux sur la performance. Car il en résulte une fragmentation du travail qui induit des retards de production et une perte de qualité.

En effet, après l’interruption, il faut reprendre le fil du dossier qui nous occupait (pour quelques minutes seulement puisque la prochaine interruption n’est pas loin). Or le temps de retour à la concentration après interruption a été étudié par l’universitaire californienne Gloria Mark et est en moyenne de 25 minutes ! 

Un rapport récent démontre la perte de performance et le coût financier provoqués par les interruptions de travail.  Elaboré par Basex, spécialiste mondial des interactions entreprises-environnement, il indique que les interruptions, dues aux sollicitations diverses, engendrent une perte de temps de travail des salariés de 28 %, soit plus de 2 heures par jour. Ceci représente un coût de… 588 milliards de dollars sur une année ! Précisons en outre que l'étude a été menée sur la période 2004 à 2005. On peut imaginer que depuis lors, l'augmentation des sollicitations a pu grever ce montant, vu que les prévisions de l'étude évaluaient à 5% par an cette augmentation.
Quant au coût des communications inefficaces parce que non présentielles (emails notamment) il se monte à 297 milliards de dollars2.

Un coût humain énorme et des pertes financières… N’est-il pas temps pour nous de vous reparler du management humaniste que nous préconisons, et qui décline des solutions opérationnelles durables et performantes ?...

¹ Travaux de Christophe André, médecin psychiatre à l’Hôpital Sainte-Anne – Paris
2 Etude RoperASW et TANDBERG

samedi 23 juin 2012

Neurosciences et motivation : Ré insuffler de la motivation professionnelle en reconstruisant la notion de « Métier » ?


La motivation est devenue une préoccupation constante pour les managers ou même les dirigeants. Leur discours fait état d’un désengagement fréquent des collaborateurs auquel eux-mêmes, souvent, n’échappent pas.
Deux enquêtes récentes de l’APEC (l’Association pour l’Emploi des Cadres) confirment que l’optimisme des cadres a nettement baissé en quelques mois et que 66 % d’entre eux aimeraient changer de métier. Le résultat 2011 de l’enquête IPSOS / EDENRED menée chaque année depuis 2007 auprès de 4000 salariés (non cadres, cadres et cadres dirigeants) montre que satisfaction professionnelle et motivation atteignent des scores historiquement bas !
A quoi doit-on cette baisse générale de la motivation ?

Une réponse communément avancée est que la société a changé. Que les valeurs d’engagement, de respect de la hiérarchie sont moins fortes et que le travail devient moins central que les loisirs.

Pourtant, un phénomène évident nous porte à chercher l’explication ailleurs. En effet, parallèlement à la démotivation constatée, l’engagement associatif bénévole, lui, ne cesse d’augmenter. Treize millions de personnes œuvrent actuellement bénévolement dans des associations1  et chaque jour se créent 190 nouvelles associations.  Certaines d’entre elles reçoivent un si grand nombre de demandes de participation et d’offres de CV par an qu’elles ne peuvent pas toujours répondre ni permettre aux candidats d’apporter leur contribution. 

Ceci tend à démontrer que l’envie de s’impliquer et les fondements de l’engagement sont toujours présents dans la société. En revanche, l’environnement professionnel, qui  lui a fortement changé depuis une trentaine d’années, offre sans doute beaucoup moins de repères stimulant la motivation.


Au regard des neurosciences, de quoi se nourrit la motivation ?

Intégrant certains des aspects développés par des théoriciens célèbres, les neurosciences posent pourtant aujourd’hui un éclairage plus précis sur les éléments complexes qui génèrent et nourrissent la motivation.
A partir des principes de vie et d’équilibre mis en lumière par Henri Laborit (recherche de gratification et évitement du danger pour tout individu) puis de l’étude fonctionnelle du cerveau, les neurosciences distinguent (en résumant) trois grandes sources de motivation :
  •  Une source liée au besoin homéostatique. Elle pousse à satisfaire les besoins d’équilibre. Celui-ci étant apporté non seulement par la  nourriture et la sécurité mais également par d’autres éléments favorisant aussi la survie :
- La capacité instinctive de découvrir : explorer, rechercher, créer de nouvelles ressources afin d’adapter son environnement et garantir la survie future.
- La capacité instinctive d’intelligence émotionnelle et sociale : pouvoir (s’) identifier (à) ce que ressent autrui par imitation (neurones miroirs) et partager de l’émotion (empathie) avec lui, s’allier dans une coopération utile à la survie des deux (ou plus). Ainsi la solidarité et l’éthique ont-elles un fondement biologique et sont une source de motivation forte du système humain. Mais il faut également comprendre que selon les personnes et les contextes, la préoccupation immédiate prime parfois sur l’intérêt futur.  
  •  Une source conditionnée qui motive à agir en reproduction ou en opposition, mais en fonction l’environnement où nous nous sommes construits : notre milieu familial, social, géographique, culturel, notre histoire vécue. La mémoire joue ici un rôle central.
  •  Une source de motivation dite « préfrontale » : correspondant à l’activation des lobes préfrontaux du cerveau cette source correspond au besoin de sens et de compréhension, de plaisir de la connaissance, du savoir, de l'exploration. C'est la source d'ouverture à l'enrichissement de nos "bases de données" de reconnaissance de formes.

De la valeur travail à la logique financière : la démobilisation déplorée en entreprise 

La démobilisation largement constatée s’explique notamment par le changement de logique des entreprises. Nous sommes passés, au cours des 25 à 30 dernières années, de la valeur travail à une logique financière. Le résultat n’est plus mesuré à l’aune de la qualité du travail mais à l’importance des profits réalisés. L’humain, bien que central dans le processus, est plutôt considéré comme un coût et donc comme une « variable d’ajustement ». Ainsi, ce changement de logique a-t-il totalement modifié les rapports professionnels. Pour les entreprises, les luttes et stratégies commerciales se font plus dures, elles doivent être réactives, s’adapter très vite, obtenir des résultats rapidement. Mais tout ceci repose précisément sur les collaborateurs pour lesquels la pression s’accroît.  Il faut faire plus avec moins et plus rapidement. Directement ou indirectement, la concurrence entre les individus est exacerbée. Bien des managers, eux-mêmes sous pression et se sentant démunis, se « réfugient » dans une pratique autoritaire peu stimulante, voire stressante. Il s’en suit un désengagement fréquent, qui se vit de l’intérieur, car malgré l’envie de changer, la réalité du marché du travail freine bien des passages à l’acte. On rêve d’un ailleurs plus humain.

Que se passe-t-il alors ?

Dans les organisations fonctionnant sur un tel modèle, un morne retrait s’installe. L’on se fait discret, on fait son travail, sans plus. On opte pour un ennui tranquille et rassurant mais non épanouissant. Beaucoup de ces personnes vous diront que « leur vie est ailleurs »… notamment dans les associations ! Caritatives, culturelles ou autres. Et l’on passe ainsi d’un engagement professionnel à un engagement sociétal. Les managers eux aussi soumis à une pression grandissante ne savent pas toujours mettre en œuvre les moyens de remobiliser leurs équipes. Surtout lorsqu’ils sont eux-mêmes désenchantés.

Oui, on peut agir !

Si la motivation est au cœur de la problématique de bien des managers ou même des dirigeants, elle est aussi un axe central du management humaniste (guidé par les neurosciences). Les solutions sont de plusieurs ordres mais passent la plupart du temps par un changement de culture : de l’organisation ou a minima de l’équipe. Cela demande du temps. Les solutions nécessitent souvent un accompagnement extérieur qui permet de franchir les caps plus sereinement. Et l’amélioration sera d’autant plus sensible que les instances dirigeantes seront fortement porteuses du changement en s’inscrivant elles-mêmes dans une exemplarité motrice.
Les axes de travail sont nombreux. Toutefois, l’une des bases de travail que nous souhaitons évoquer ici et qui permet de réactiver la motivation est la reconstruction de la notion de « Métier ». En effet, la motivation suppose, par définition étymologique, un lien émotionnel avec l’activité que l’on exerce. Mais parmi les changements structurels subis par le monde professionnel, nous pouvons largement déplorer le passage du « Métier » à la notion « d’emploi », de « poste », de « fonction » ou de « job » qui amènent un détachement émotionnel.

Aimer ce que l’on fait, c’est aimer le faire bien, comprendre pour quoi on le fait (LE SENS) et ressentir l’utilité de notre contribution

Ne parle-t-on pas autrefois des Arts et Métiers ? Notions qui résonnent de façon un peu désuète sauf pour l’école prestigieuse du même nom. Le métier est alors un art que l’on est fier de maîtriser. Le métier appelle à mettre « du sien », un pan de soi-même. Développer, mettre en œuvre des compétences que l’on fait évoluer jusqu’à la maîtrise et l’expertise dans une autonomie qui rend artisan de son quotidien, apte à transmettre à d’autres.  De cette maîtrise, du sentiment d’un savoir-faire personnel exercé, de cette autonomie, naît ce plaisir émotionnel nécessaire à l’estime de soi et à la motivation. Quel que soit le domaine où le métier s’exerce, il permet de nourrir le sens, un sentiment d’utilité et une fierté qui alimentent l’engagement et le sentiment d’appartenance. L’apprentissage et le développement de nouvelles compétences de savoir-faire et de savoir-être entretiennent  et enrichissent ces plaisirs. Le métier, pour un individu, est une partie de lui-même. La fonction ou le poste, nullement identitaires, ne sont qu’un moyen de s’assurer une place sociale en percevant une rémunération. 

A de rares exceptions près, il est difficile (et de courte durée) de stimuler l’attachement émotionnel fort et engageant, en parlant de gains de productivité ou de fusion-acquisition. Les perspectives de gains et les gains eux-mêmes peuvent réellement avoir un effet excitant pendant un certain délai. Cependant l’effet a une durée limitée et ne produit pas d’engagement profond et durable. Il ne faudrait bien sûr pas en déduire que la rémunération n’a pas d’impact. Mais cela ne fonctionne que dans un sens : une augmentation de rémunération a une influence positive limitée dans le temps ; à l’inverse, une rémunération perçue comme insuffisante voire injuste est un facteur de démotivation important.

Il est essentiel, lorsque l’on veut réinsuffler de la mobilisation dans une organisation (entreprise privée tout comme institution publique) de réhabiliter cette notion de Métier. Ceci afin de recréer de l’attachement émotionnel, de la fierté à se sentir compétent et « responsable » de bien exercer, de la fierté à se sentir utile par son savoir-faire. 

Bien sûr, la reconstruction de la notion de Métier n’est qu’une étape dans un processus de fond ambitieux qui devra être mené. Si l’on veut remobiliser les collaborateurs (notamment les nouvelles générations) l’entreprise devra « tricoter » un environnement propice. Propice au développement du sentiment d’utilité perçu et reconnu, au développement de la créativité et du sens. Un environnement exigeant dans lequel l’autonomie, le sentiment de choix responsable, la montée en compétences, mais aussi l’éthique, l’empathie, le collectif et la solidarité seront encouragés. Les managers ont un rôle majeur dans cette tâche. Eux-mêmes dont on dit qu’ils ont une « fonction de managers ». Comprenons que manager est un métier !
Car la motivation ne se décrète pas. Mais on crée les conditions de son développement… ou pas. Néanmoins, ce que l’on constate à coup sûr est que des collaborateurs heureux et motivés sont « contagieux » et font des clients heureux et motivés.


1 – Source : Conférence de la Vie Associative : http://www.associations.gouv.fr/IMG/pdf/dp-conf-vie-associative_230106.pdf

jeudi 31 mai 2012

Management et philosophie : un lien de connaissance et de réflexion


De plus en plus de managers, de responsables, de dirigeants s’interrogent et marquent un intérêt croissant pour la philosophie. Un certain nombre d’entre eux pressentent une utilité potentielle de cette discipline pour leur pratique quotidienne, sans pouvoir concrètement établir quel peut en être l’apport...

Parfois, quelques craintes surgissent également. Elles sont souvent liées à une mauvaise expérience scolaire, une méconnaissance de la pensée philosophique, ou à la peur d’un langage hermétique. Il faut bien reconnaître que certains philosophes ne se sont pas attachés à être compris du commun des mortels. Néanmoins, dépasser ces quelques freins permet de s’ouvrir à cet outil d’un intérêt majeur pour le métier de manager (et je parle bien de métier et non de fonction).

Dans le quotidien de leur mission, le manager et le dirigeant doivent « penser le monde » d’aujourd’hui et de demain : appréhender le contexte économique, sociétal, environnemental, imaginer l’avenir, construire une vision, intégrer de nombreux paramètres, bâtir des scénarios divers… Pour ce faire, le cerveau s’appuie sur des liens de connaissance ou, le plus souvent, de re-connaissance, sur des représentations et des projections. Le manager étant avant tout un humain comme les autres, par manque de temps pour par habitude, il fonde la plupart du temps ses décisions et ses actions sur des opinions, des croyances, des représentations émanant davantage de son vécu contextualisé que de savoirs validés et réfléchis.

Or, si l’on est prisonnier de nos seules représentations personnelles sans pouvoir les remettre en cause elles se transforment en certitudes. Il devient alors difficile d’imaginer des scénarios variés, de penser de façon innovante ou de croire que des représentations différentes peuvent être utiles, justes ou intéressantes. Le piège est de confondre connaître et croire, le cerveau ne saisissant le réel qu’au travers de représentations. Ainsi, s’il est donc tout à fait normal de se forger des croyances, il est capital d’avoir conscience qu’elles ne sont pas le réel, qu’elles n’en sont qu’une vision au travers de nos filtres perceptuels, émotionnels, éducatifs/culturels et cognitifs. Le défaut de cette conscience et de cette ouverture des managers et plus encore des équipes dirigeantes, la cristallisation sur des modèles, par aveuglement dogmatique, risque de compromettre l’innovation et, ainsi, l’avenir d’une entreprise. L’exemple des déboires de la société Kodak en est un criant exemple.
 
A cet égard, la philosophie fournit des éclairages et des outils bien utiles.

Un apport pour structurer et formaliser la réflexion

Le premier propos de la philosophie est, comme pour le manager, de penser le monde, et aussi l’Homme et sa place dans le monde. Elle est une tentative pour expliquer et comprendre, et s’attache à transmettre du sens. Elle propose pour cela des éléments conceptuels et des outils de réflexion. Ainsi la démarche philosophique contribue à développer le processus de pensée, mais ne dicte pas ce qu’il faut penser. Elle permet d’identifier nos zones perfectibles et de les faire évoluer.

Par exemple, l’apport de Kant (philosophe du 18ème siècle) dans sa « Critique de la raison » est précisément de mettre à jour la différenciation à opérer entre conviction ou croyance et connaissance, notamment scientifique. Il reprend à ce titre une phrase du Talmud : « Tu ne vois pas le monde tel qu’il est, mais tel que tu es. ». Hume complémente cette distinction en explicitant les modes de représentations : l’un s’appuyant sur l’empirisme (le vécu), l’autre sur la construction à partir des savoirs validés. Cette distinction, par la remise en question, le dépassement des peurs et certitudes, et par l’ouverture qu’elle permet, est essentielle pour innover ou même simplement s’adapter dans un monde aujourd’hui globalisé, et en accélération vertigineuse.

Ainsi ces philosophes, et bien d’autres avant et après eux, ont-ils valorisé et décortiqué l’intérêt d’élargir nos connaissances pour parvenir à une réflexion plus éclairée, plus large, et plus créative. Ne craignons pas pour autant de perdre de la spontanéité ou de devenir des êtres purement rationnels et froids. La part émotionnelle demeure toujours très importante dans nos prises de décisions même les plus « rationnelles », ainsi que le démontrent les travaux d’Antonio Damasio, éminent chercheur en neurobiologie et neuropsychologie.

L’appui sur la connaissance permet le bénéfice du doute

Il ne s’agit pas, bien évidemment, de prétendre éradiquer nos croyances. C’est tout bonnement impossible pour le cerveau. Et par ailleurs, toutes les croyances ne sont pas erronées, loin s’en faut ! Mais il s’agit de faire l’effort de conscience permettant de distinguer ce qui est de l’ordre de la conviction de ce qui est basé sur un savoir. Alors seulement pouvons-nous nous exercer à un doute salutaire et nous ouvrir à d’autres formes de pensées et de pratiques. L’observation, l’investigation, la recherche de savoirs notamment philosophiques, sociologiques, économiques, psychologiques, culturels, nous amènera alors soit à démontrer la validité de nos convictions soit à réorienter notre réflexion et notre action.

Certains philosophes auraient peut-être pu être des managers éclairés. La plupart, en effet, concentraient de solides connaissances en mathématiques, sciences humaines, naturelles et technologiques, en métaphysique, sans oublier la psychologie, la rhétorique et la politique. Reste à prouver qu’ils aient eu, également, le savoir-être et l’intelligence émotionnelle nécessaires à ce difficile métier…

Donner ou retrouver du sens par des outils de questionnement

L’être humain est un animal avide de sens. Le cortex préfrontal de notre cerveau est la zone correspondant à cette quête. C’est précisément cette zone que nous activons à chaque fois que nous structurons notre réflexion consciente, avec du recul et des recherches de savoirs.  Là encore la philosophie est une approche très précieuse en ce qu’elle nous fournit des outils de questionnement. Ceux-ci peuvent aider le manager à se situer, à se remettre en question, à valider ou infirmer des convictions, mais également à opérer la même démarche avec ses collaborateurs et à faire s’exprimer le sens. D’ailleurs, la philosophie est déjà présente de façon presque transparente dans les entreprises qui font appel au coaching. La démarche du coach intègre la plupart du temps (c’est le cas chez Profil-Leader) une pratique de questionnement largement empruntée à Socrate. Philosophe du Vème siècle avant J.C., il initia un mode de questionnement destiné à faire retrouver à ses interlocuteurs l’origine de leurs affirmations, à ébranler et faire évoluer leurs certitudes, à leur faire approfondir leur réflexion pour leur permettre « d’accoucher » par eux-mêmes d’une pensée plus structurée et plus consciente. Il appela cette méthodologie la « Maïeutique », fort utile au manager pour sa propre réflexion comme dans l’accompagnement de ses collaborateurs, s’il souhaite favoriser leur esprit d’initiative et leur évolution.

Aristote nous propose également de nous interroger, dans tout domaine, selon quatre questions :

  • Qu’est-ce que c’est ?
  • De quoi est-ce fait ?
  • D’où cela vient-il ?
  • Dans quel but et pourquoi ?

Citons encore l’hexamètre Quintilien, on ne peut plus concret, et tellement utile pour la gestion de projet, la compréhension de situations et la recherche de solutions. Il nous vient du brillant orateur Marcus Fabius Quintilien, au 1er siècle, et de son approche de l’enquête.

Et puis, il nous faut bien sûr à nouveau évoquer Kant, qui nous interroge lui aussi au travers de quatre questions fondamentales :

  • Que puis-je savoir ?
  • Que dois-je faire ?
  • Que m’est-il permis d’espérer ?
  • Qu’est ce que l’Homme ?

Ces questions sont autant une  aide à l’introspection qu’un outil d’accompagnement à la réflexion stratégique : pour connaître un marché, la concurrence, un produit, pour s’interroger sur une action managériale dans l’équipe ou questionner l’entreprise dans son ensemble.

Connaissance de l’humain et de soi-même

Soulignons enfin l’apport de la philosophie dans la connaissance de l’humain et de soi. En cela, neurosciences et philosophie se rejoignent, l’une et l’autre cherchant à comprendre l’esprit, les processus, les comportements humains. L’approche philosophique propose de commencer par soi, comme le conseille par exemple l’injonction socratique « Connais-toi toi-même ». Cela permet de mesurer ses limites (« Que puis-je savoir ? »), d’identifier et peut-être dépasser ses peurs, de mieux comprendre les autres et d’être davantage acteur de son devenir. La démarche de connaissance de soi pour un manager, au travers de la philosophie et des sciences cognitives, amène à des actions  fondées sur une réflexion plus élaborée et moins basée sur la peur que sur l’ouverture.

En somme, la philosophie, avec l’abondance et la diversité de ses penseurs, nous fournit des clés d’observation, de connaissance et de réflexion, une aide à la remise en question, à la pensée critique et créative source d’innovation, au doute constructif. Elle apporte un recul inversement proportionnel au syndrome du « nez dans le guidon ». Elle propose au manager de prendre le temps de ce recul et de réflexion, justement et plus encore lorsque la pression est grandissante.

Pour terminer ce propos, on ne peut que terminer sur une citation de philosophe. Le choix s'est porté sur la célèbre phrase de Jean Bodin, philosophe du 16ème siècle : "Il n'est de richesse que d'hommes". N'est-pas le lien le plus approprié entre philosophie et management ?

mardi 15 mai 2012

Le réseau Femme&Leader organise son premier forum le 24 Mai prochain à Sup'de Com Montpellier.

C'est dans ce cadre que Profil-Leader animera l'atelier "Femme, Manager et Humaniste".

Au cours du forum, de nombreuses interventions sont prévues et un grand nombre d'entreprises seront présentes. Bien sûr, le forum n'étant pas réservé aux femmes, tout un chacun est bienvenu. Au plaisir de vous y accueillir !
Programme complet du forum : http://www.femme-et-leader.com/index.php/forum/10-femmealeader/38-accord-inter-entreprise

dimanche 29 avril 2012

Y a-t-il un cerveau managérial féminin et un cerveau managérial masculin ?


Les entreprises ayant des femmes managers ont des résultats financiers supérieurs car les femmes managers semblent avoir des qualités de leadership plus appropriées. Mais ces différences sont-elles liées au genre ? Ou sont-elles d’un autre ordre ?
Nous vivons un étrange  paradoxe : les entreprises qui ont une plus forte représentation de femmes dans les fonctions de direction (comités de direction et fonctions managériales) sont plus performantes1. Pourtant, le constat chiffré démontre qu’elles sont encore fort peu représentées dans ces fonctions pour l’instant :

- 23,54 % de femmes managers dans les entreprises employant plus de 35 % de femmes ; et 14,61 % seulement dans les entreprises employant moins de 35 % de femmes.2

- Quant aux équipes dirigeantes, c’est pire : 8 % de femmes seulement dans les comités de direction en France ; et 20 % dans les conseils d’administration. 1

Avant même de se situer sur un terrain de justice sociale ou morale, on peut s’interroger sur le manque de pertinence de cette disparité au regard de la performance des entreprises. En effet, la différence est loin d’être marginale : les entreprises à forte mixité dans les équipes dirigeantes ont des résultats financiers supérieurs de 40 % et ont une meilleure résistance à la crise ! 

Il semblerait que le leadership et le comportement organisationnel des femmes managers soient plus appropriés et l’effet immédiat en est un résultat nettement supérieur.

La performance managériale des femmes

Le cabinet McKinsey a retenu neuf comportements de leadership liés à la performance organisationnelle :
  •        Prise de décision participative
  •        Exemplarité
  •        Inspiration
  •        Attentes et reconnaissance
  •        Développement des autres
  •        Stimulation intellectuelle
  •        Communication efficace
  •        Prise de décision individuelle
  •        Contrôle et actions correctrices
Si hommes et femmes pratiquent ces comportements, les femmes, statistiquement, appliquent en moyennes plus souvent au moins 5 d’entre eux. Et notamment 3 : développement des autres, attentes et reconnaissance, exemplarité.

Ce que déclarent les entreprises sur leurs managers féminins

Dans les entreprises qui comptent des femmes managers, celles-ci sont perçues comme ayant des qualités essentielles au management :
  •          Compétences organisationnelles
  •          Audace (sans être « risque tout » !)
  •          Intelligence sociale et émotionnelle (empathie)
  •          Créativité
Si l’on peut se réjouir que des managers mettent en œuvre ces éléments (qu’ils soient femmes ou hommes), Profil-Leader a souhaité savoir si ces différences sont « naturelles » et procèdent du genre ou bien si elles ont une autre explication. 

Y aurait-il une différence « naturelle » liée au genre ?

Que nous disent les neurosciences et l’étude du cerveau lorsque nous examinons certaines des différences qui semblent caractériser les fonctionnements hommes – femmes ?

Par exemple, les femmes seraient plus facilement « multitâches » que les hommes et pourraient faire plusieurs choses à la fois. Cette idée très répandue ne pourrait-elle pas expliquer cette facilité organisationnelle des managers féminins ?  En fait, il est temps de briser un mythe. 

Car en réalité, le cerveau des femmes comme celui des hommes traite les informations de façon séquentielle et ne peut en traiter que 2 en simultané. Le cerveau multitâche féminin est un leurre. Si certaines personnes parviennent à enchaîner plus rapidement que d’autres les séquences, c’est alors une différence d’aptitude individuelle et non liée au sexe. De même pour la supériorité en mathématique longtemps prêtée aux hommes et la performance linguistique attribuée aux femmes. Les études de 2008 sur un échantillon de 10 millions d’étudiants ont indiqué une égalité hommes – femmes qui démontre que lorsqu’il y a différence, elle est, là encore, liée à l’influence des stéréotypes (effet Pygmalion) et aux capacités individuelles. Non au genre.

Grâce aux IRM fonctionnelles et aux échantillons élargis des études neuroscientifiques, les chercheurs détricotent aujourd’hui les idées reçues sur la différence biologique d’aptitudes entre hommes et femmes. 



Nous disposons TOUS de 100 milliards de neurones, reliés entre eux par un million de milliards de connexions synaptiques. Or 90 % de ces connexions s’établissent après la naissance et se construisent en fonction de l’éducation et de la culture dans lesquelles nous nous construisons. Le cerveau se façonne et se réorganise en permanence, tout au long de la vie. C’est la fameuse plasticité cérébrale. Ainsi, les possibilités de connexions et d’organisation du cerveau sont si considérables que les différences comportementales et qualitatives vont se construire avec l’apprentissage individuel. Les hormones elles-mêmes semblent avoir une influence très marginale, et identifiable seulement dans des contextes particuliers (ex.  post-maternité chez les femmes). Souvent soupçonnées d’avoir un rôle sur le comportement d’empathie et de sociabilité chez les femmes et de compétition ou d’agressivité chez les hommes, elles n’ont pas en réalité cette influence biologique.

L’humain grâce à son cortex préfrontal très développé, échappe aux déterminismes biologiques qui avaient été soupçonnés. Et il se construit individuellement, mais considérablement influencé par les stéréotypes et les attendus relatifs au genre.

D’où viennent les compétences managériales des femmes ?

Si l’on accepte le constat des neurosciences dans l’étude du fonctionnement du cerveau, les différences et les compétences s’installent et se développent individuellement par l’apprentissage culturel et éducatif, conscient ou non. Elles ne sont pas biologiques, mais s’acquièrent.

Les capacités organisationnelle et de créativité des femmes pourraient être liées au rôle multifonctionnel que la société leur a dévolu : il faut organiser la vie à la maison (enfants, logistique, courses, cuisine, activités…) et organiser AUSSI la vie professionnelle, où rien ne vous sera pardonné et où il faudra parfois en « donner plus » qu’un homme aux mêmes fonctions. Il vaut mieux être organisée et créative pour trouver des idées facilitantes, des solutions de dernière minute.

Les capacités d’empathie : l’effet Pygmalion (influence du stéréotype sur les comportements) joue à plein ! Une femme est censée être à l’écoute, maternante, compréhensive. C’est ce qui va aider beaucoup d’entre elles à se conformer à cette attente sociale. 

La conclusion est que, homme ou femme, on ne naît pas manager, ainsi que nous l’avons souvent clamé. Mais on peut le devenir. Les études scientifiques et IRMf le démontrent chaque jour, l’apprentissage est la clé. Il faut donc profiter des compétences déjà présentes et pour cela, au vu des statistiques,  confier davantage de fonctions managériales et de direction aux femmes : bénéficions de l’effet Pygmalion dans ce qu’il a de positif ! Mais il est tout aussi capital en parallèle, de former nos managers de manière beaucoup plus étendue et de les accompagner vers les comportements de leadership essentiels. Le « management « comme on peut » ou « au feeling », quel que soit le genre, ne saurait suffire. Dans les années à venir, les entreprises qui auront intégré cette dimension feront sans doute la différence.


1Etude Women Matter réalisée en 2007 par McKinsey & Company dans le cadre de son partenariat mondial avec le Women’s Forum for the Economy & Society.
2Revue CNRS « Travail, genre et société »
Sources générales : Travaux, études, et publications de Catherine Vidal, neurobiologiste à l’Institut Pasteur – Lize Eliot, maître de conférences en neurosciences à l’université de médecine et de science de Chicago – Claude Steele, chercheur à l’université de Stanford – Rebecca Jordan-Young, chercheuse en sciences médico-sociales à l’université de Columbia.