Est-il une profession dans laquelle une
personne n’utilise pas sa voix ? En cherchant bien, l’on trouvera sans
doute des activités dans lesquelles on parle peu. Mais nous faisons le
présupposé que la grande majorité de nos actions professionnelles requiert des
interactions de communication orale intense, qu’elles soient en face à face ou
au téléphone. La voix est donc un outil indispensable à notre quotidien
professionnel. Mais cet outil nous est si familier, que nous oublions (ou
méconnaissons) son importance, sa place dans notre vie et dans notre évolution.
Nous n’en prenons la plupart du temps aucun soin particulier alors que nous
chouchoutons, rechargeons, changeons nos outils technologiques. Or, une voix ne
se remplace pas, ne se « recharge » pas. En revanche, elle peut
s’entraîner, se préserver, s’améliorer, et surtout, nous pouvons largement en
développer et OPTIMISER son utilisation. De simple « moyen
mécanique », elle peut devenir un atout essentiel, une ressource
différenciante et un véritable facteur clé de succès.
La voix : ce qu’elle est, et ce qu’elle dit de nous
Innée ET acquise, facteur du développement cognitif et émotionnel
Pour approcher l’importance de ce
vecteur à la fois si familier et pourtant si mal connu, les
neurosciences, une fois encore, nous viennent en aide, de même que l’anthropologie et bien d’autres disciplines. Support du langage articulé, la voix est le produit de zones activées dans le cerveau (l’aire de Broca et l’aire de Wernicke) et d’une mécanique complexe : l’appareil anatomique phonatoire (larynx, cordes vocales, la langue, le voile du palais, fosses nasales, lèvres, appareil respiratoire) mais aussi le système auditif, sans lequel la voix ne peut se développer, et qui est également la combinaison d’éléments mécaniques et de transmission au cerveau.
neurosciences, une fois encore, nous viennent en aide, de même que l’anthropologie et bien d’autres disciplines. Support du langage articulé, la voix est le produit de zones activées dans le cerveau (l’aire de Broca et l’aire de Wernicke) et d’une mécanique complexe : l’appareil anatomique phonatoire (larynx, cordes vocales, la langue, le voile du palais, fosses nasales, lèvres, appareil respiratoire) mais aussi le système auditif, sans lequel la voix ne peut se développer, et qui est également la combinaison d’éléments mécaniques et de transmission au cerveau.
La voix ne laissant ni traces
directes ni fossiles, les scientifiques ne savent pas dater avec certitude
l’apparition du langage et de la voix chez les hominidés. L’étude des crânes
(avec empreintes des aires de Broca et Wernicke), de l’anatomie, des
migrations, des outils les renseignent et donnent lieu aux différentes
théories. Selon la plupart des scientifiques, homo habilis (2,5 millions
d’années) pratiquait déjà une forme de langage, non complètement abouti, car
son larynx demeurant encore en position haute, l’articulation ne pouvait être
que sommaire. Puis homo erectus (450 000 ans) aurait plus certainement vu
émerger le langage articulé. Certains scientifiques tels qu’Anne-Marie Tillier (anthropologue - CNRS Bordeaux) pensent
que Neandertal était également en mesure de parler.
Ce qui est certain, c’est que la
voix telle que nous l’avons développée, support du langage articulé et outil de
socialisation, est le propre de l’humain et le différencie des autres animaux. Élément majeur de l’évolution humaine, la voix, au travers du langage, a permis
le développement du cerveau, la coopération, le développement technologique et
a été, pour toutes ces raisons, un facteur important de survie. Si elle a pu
émerger, c’est notamment grâce à la
bipédie qui a favorisé la descente du larynx.
La voix humaine crée et développe
des circuits neuronaux, active les aires cérébrales de la projection, de
l’anticipation, du langage, de la créativité. Ainsi, l’entraînement vocal
améliore ces capacités.
La voix est à la fois un
phénomène inné et acquis. Dès la vie fœtale les circuits cérébraux et
mécaniques (d’écoute et de phonation) sont présents. Et le fœtus organise ses circuits neuronaux pour être
capable de langage et de chant. Néanmoins, durant les premières années après la
naissance, le langage ne pourra émerger que si l’enfant a été stimulé. Car c’est
la perception d’une langue parlée qui permet au nourrisson de développer sa
propre voix.
Sans stimulation dès les
premières années, pas d’acquisition du langage véritable. Toutes les
expériences connues avec des enfants dits « sauvages » n’ayant pu
être stimulés dans la petite enfance ont montré que l’acquisition langagière
tardive est quasi impossible, que la transmission et le développement humain
dans son ensemble demeure alors très perturbé et réduit. En effet, la voix
stimule la mémorisation de l’information, le développement cognitif et
émotionnel.
Par le langage, elle permet l’éveil de la pensée abstraite et
symbolique, de la projection, l’organisation de la pensée et son expression
(dans une boucle permanente). Elle est le support essentiel de la
transmission, de l’évolution technique, technologique, scientifique. Elle
enrichit la perception émotionnelle et la capacité empathique et collaborative.
Elle génère et exprime notre représentation du temps (présent, passé, futur).
Interface entre l’intérieur et l’extérieur
Au-delà de la mécanique
anatomique très sophistiquée qui la caractérise, la voix, qui nous accompagne,
évolue et nous fait évoluer tout au long de notre vie, est un ingrédient
essentiel qui nous relie à nous-mêmes et aux autres. Chaque voix est unique.
Une empreinte vocale est aussi identitaire qu’une empreinte digitale.
Partie intégrante de notre
personnalité et de notre moi intime, qu’elle exprime et révèle, elle est un
élément physique (une vibration)
qui va déclencher chez nos interlocuteurs de nombreux et très divers stimuli psycho-émotionnels,
positifs ou négatifs. Elle véhicule notre imaginaire, notre monde émotionnel, cognitif,
philosophique tout autant qu’elle agit sur ces mêmes variables chez l’écoutant.
Elle a donc un rôle permanent, central
et contribue très largement, à l’heure actuelle encore, à notre survie et à
notre vie. Pour autant, nous ne la maîtrisons, la plupart du temps, que très
peu. Bien des paramètres échappent à notre contrôle. De fait, la voix nous
révèle de façon si souvent incontrôlée, qu’elle dévoile des parties de nous que
nous aimerions parfois cacher ou travestir : émotions, intentions,
pensées, sentiments, doutes, plaisir, blessures, manque ou excès de confiance… Qui
plus est, ces parties de nous peuvent appartenir à l’instant présent comme au
passé, être conscientes ou inconscientes.
Outil professionnel par excellence
Perception et projection
Si nous ne contrôlons pas tous
les effets de notre propre voix, de la même manière nous ne conscientisons qu’une partie de
l’incidence que la voix d’un interlocuteur peut avoir sur nous. Par exemple, qui
n’a jamais projeté une représentation personnelle après avoir entendu, au
téléphone, ou à la radio, une voix à laquelle on a été plus ou moins
sensible ? Nous avons pu percevoir /
projeter dans cette voix de la sensualité, de l’assurance, de la sérénité,
de l’anxiété, du dynamisme, de la joie etc… Il nous arrive même parfois
d’imaginer (avec une forte marge d’erreur le plus souvent) la physionomie de
notre interlocuteur à partir de sa seule voix !
Les professionnels de la voix ne
mesurent pas toujours à quel point ils sont dépendants,
dans leur réussite professionnelle, de leur outil vocal : télévendeurs, vendeurs
et commerciaux en présentiel, services clients, professeurs, formateurs, conférenciers,
opérateurs téléphoniques de tous services à distance… Beaucoup ne sont pas
véritablement conscients de la valeur et de l’importance de cet outil. Non plus
que de l’intérêt majeur qu’ils ont à pratiquer l’entraînement vocal afin d’améliorer,
optimiser, préserver et prolonger considérablement leur outil.
Puis lorsque les pathologies
surviennent : rhume, angine, bronchite, on expérimente déjà la gêne
occasionnée par une voix enrouée, nasale ou affaiblie. Mais, d’origine bénigne,
la gêne disparaît plus ou moins rapidement. La prise de conscience arrive parfois
tardivement, lorsque surviennent des dysfonctionnements plus sérieux :
dysphonie, extinction de voix, nodules, polypes…
Cependant, consciente ou non,
l’influence vocale est fondamentale dans une interaction entre animaux humains.
De la même manière qu’elle peut éveiller chez l’auditeur irritation, émoi ou
malaise, la voix, outil essentiel de la communication, peut véritablement nous
offrir une puissance charismatique déterminante car
:
Au-delà des mots, la voix est un langage à part entière, avec ses propres
codes
En effet, timbre, harmoniques,
fréquences, musicalité, rythme, diction, prosodie, accent, volume, intonations…
influencent notre perception de nous-même et la perception que les autres ont
de nous. Parce que ces éléments ont une forte incidence sur l’émotion et la
perception de nos auditeurs, ils impactent grandement la réussite (comme
l’échec) de nos interactions, l’efficience et la puissance de nos messages.
Car ils véhiculent en eux-mêmes
du sens, la voix ayant ses propres codes, différents selon les cultures et les
langues. Ainsi, en dehors même des mots, la voix est un langage. Elle est
porteuse d’un très grand nombre d’informations pour nos interlocuteurs (perçues
consciemment et inconsciemment). Tous les composants cités ci-dessus laisseront
une empreinte plus ou moins déterminante sur l’écoutant.
Positifs ou négatifs, les stimuli
déclenchés par la voix d’une personne vont activer des zones différentes dans
le(s) cerveau(x) récepteur(s). Il existe
une symbolique de l’expression vocale à laquelle on n’échappe peu. Et tout un
chacun va « ressentir » l’effet d’une voix, sans pour autant en avoir
toute la mesure. On va ainsi ressentir certaines voix comme étant par
exemple :
- Rassurantes (les voix graves sont souvent perçues comme tel)
- Irritantes (les voix trop haut perché, nasillardes ou ayant une diction, un rythme trop rapide)
- Apaisantes (les voix douces, s’exprimant avec une diction posée)
- Enthousiasmantes (les voix dynamiques, enjouées, souriantes)
- …
Ainsi, dans une interaction professionnelle
et personnelle, la voix est un facteur essentiel d’intelligence sociale,
relationnelle, au sens étymologique du terme : inte ligere – lire à
l’intérieur. Elle aide à la lecture para verbale d’autrui. Les grands
communicants, les grands orateurs et autres professionnels de la voix
(chanteurs, comédiens, conférenciers expérimentés, etc.) le savent bien et ont
fait de leur voix une compétence, un atout, un talent qu’ils entretiennent,
soignent, entraînent.
A l’inverse, une voix « mal placée » et mal utilisée pourra
s’avérer non seulement contre-productive, mais bel et bien un obstacle à la
réussite pleine et entière d’une relation professionnelle (et personnelle),
sans que l’on puisse toujours en identifier (ou avouer) la raison.
Diction trop rapide, manque
d’articulation ou intonation inappropriée : une mauvaise maîtrise des
codes sera souvent source de confusion. Inaudible ou trop forte, hésitante, timide
ou arrogante, la voix peinera à convaincre, à intéresser, à fédérer.
C’est pourquoi, si l’expression
« juste » s’applique le
plus souvent au fait de chanter (chanter juste ou chanter faux), nous pensons
qu’il en va de même pour la voix parler. Nous « parlons juste » lorsque nous utilisons notre outil vocal dans
toutes ses expressions et acceptions, et que nous prenons plaisir à optimiser
cet atout voire à le développer jusqu’au talent.
Placer sa Voix c’est vocaliser sa place, … sa Vocation ( ?)
Si la voix revêt une telle
importance dans nos interactions relationnelles, c’est qu’elle est, ainsi que
nous l’avons dit, l’interface entre l’intérieur de l’individu, qu’elle reflète,
et l’extérieur. Pour nos interlocuteurs, elle s’inscrit donc dans un ensemble
de signaux de communication qui va les renseigner sur notre monde intérieur, et
qui va les aider à « évaluer »
et décider du type de relation à instaurer. Porteuse de sens, la voix vient
secouer, solliciter les neurones qui véhiculent l’information dans le cerveau. Les
indications que les auditeurs vont percevoir de notre monde intérieur au
travers de notre voix vont, selon les cas, les alerter, les attirer, les apaiser,
leur donner confiance, les passionner, etc.
Les composants de la voix que
nous avons cités plus haut (timbre, musicalité, harmoniques, intonation, rythme…)
révèlent notamment de notre intimité et de notre relation à nous-même, notre
degré de confiance en nous, notre rapport aux autres, à la place et au(x)
rôle(s) que nous voulons ou parvenons à occuper parmi les autres : une
place débordante, exubérante, peut-être agressive, ou au contraire en retrait, ou
parfois décalée, ou pleinement assumée, juste, ou encore un rôle protecteur,
séducteur, transmetteur, autoritaire, …
Apprendre à parler juste, c’est d’abord apprendre à (s’) écouter
Si la relation entre voix et
place n’est pas toujours consciente a priori pour l’intéressé lui-même, elle le
devient assez vite dans le cadre d’un travail vocal. D’ailleurs rappelons à
toutes fins utiles que VOIX et VOCATION ont la même étymologie (Vox :
Voix, qui a donné Vocatio : Vocation). La vocation n’est-elle pas l’essence
même de la place dans laquelle on se voit et s’installe ?
Le premier pas de conscience
entre voix et rapport à soi-même, à ses place et rôle, réside souvent dans l’écoute de sa propre voix. L’auto-perception
est d’ailleurs rarement satisfaisante. Vous-même, aimez-vous entendre votre
propre voix sur un enregistrement ?
La réponse est négative ?
C’est fréquent. Car nous n’avons pas l’habitude de nous entendre de
l’extérieur. Or l’expression comme la perception vocale dépendent beaucoup du
filtre de notre oreille, de l’écoute de nous-même et des autres. Écouter c’est
apprendre à solliciter notre système d’attention
et de concentration (souvent mis à mal dans notre quotidien par de nombreux
perturbateurs de l’attention) pour reconnaître les sons, les harmoniques, la
mélodie de la voix.
Le son est d’abord une vibration qui
devient ensuite molécule chimique dans l’oreille interne et information
électrique dans le cerveau. Les harmoniques de la voix, le timbre, vont
solliciter les zones de l’affect. L’intonation, le rythme d’enchaînement des
mots, l’accentuation vont générer des représentations et du sens. Modifier la
succession, l’articulation des mots et la ponctuation d’une phrase vont en
modifier le sens.
La voix, le verbe, agissent sur
notre pensée et celle d’autrui. La phrase que nous prononçons va faciliter et
créer l’enchaînement avec la suivante. Certaines phrases prononcées donnent
lieu pour celui qui parle, en quelques micros secondes, à une rétro-analyse qui
va lui permettre : de rectifier ou d’arrêter le discours, de modérer,
préciser, lever des ambiguïtés. Un mot rebondit sur un autre et organise notre
pensée (et l’exprime, bien sûr). La résonance influence et enrichit la
structure de la pensée, augmente la rapidité de réaction et la créativité
verbales.
Résonance et puissance et verbales sont notamment liées du souffle
S’entraîner à la production des
sons, exercer le positionnement vocal, buccal, corporel, est un cheminement
passionnant pour le stagiaire, et une véritable découverte de mondes personnels
et de capacités parfois ignorées. A ce
titre, travail d’écoute et travail respiratoire sont des souvent des temps
forts des ateliers vocaux « Tu
Places ta voix, et tu Vois ta Place® ». L’exploration de son identité vocale, de ses
personae et de tous les registres que l’on peut expérimenter, sur lesquels
chacun peut s’amuser, apprendre, découvrir, constater les effets sur les autres
sont autant de pistes pour lesquelles on s’appuiera en permanence sur le
souffle. Apprendre à écouter et apprendre à respirer peut paraître étrange, car
il nous semble que nous savons faire cela depuis toujours, sans même y penser…
Et tout est là, dans le « sans y
penser » que les ateliers se donnent pour vocation de transformer en exercice conscient, juste et bienfaisant.
Placer sa voix dans la
respiration et dans une gestion du souffle, du corps et du verbe, voir alors sa
place dans une écoute différente : la nôtre d’abord puis celle des autres.
La voix est vivante et évolutive. Elle peut changer avec l’âge, les
bouleversements hormonaux, le stress, la joie et elle nous accompagne tout au
long de notre vie. Elle conditionne nos relations aux autres et nous lui devons une grande partie de nos
réussites professionnelles et personnelles. Elle est si puissante et si
centrale dans ses rôles et ses implications qu’elle mérite sans aucun doute que
l’on en prenne soin, qu’on la préserve et l’entraîne régulièrement. Améliorer
son outil vocal au travers d’ateliers, de cours, ou autre moyen, permet de
protéger et mieux utiliser sa voix, bien sûr. Et c’est la meilleure… voie pour
intensifier sa force de conviction. Donner un ressort supplémentaire et
personnel à un message. C’est affirmer une place plus claire, plus assumée,
dans un parler assertif et juste.
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