Une étude
Sciforma de Septembre 2010 démontrait qu’il est impossible pour un salarié
français de rester concentré sur une tâche plus de 12 minutes sans être
interrompu. Une sur-sollicitation de l’attention due à un environnement de
travail technologique qui a évolué plus vite que nos bonnes pratiques et plus
vite que la conscience des effets délétères de la fragmentation du travail que
cette dispersion entraîne.
Interruptions multiples
: notre attention est capturée
Arrivées de
mail, messagerie instantanée, fils RSS qui s’affichent en pop-up, Smartphones
(appels et SMS), téléphone fixe… autant de signaux sonores et/ou visuels qui
viennent nous soustraire à l’activité sur laquelle nous espérions naïvement
nous concentrer pour avancer dans notre production. L’étude Sciforma indique
que 75% des collaborateurs avouent interrompre leur travail pour regarder le
contenu d’un nouveau message reçu.
Les cadres, quant à eux, sont interrompus en moyenne toutes les 7 minutes
dans leur travail !
Pouvons-nous
ignorer les fenêtres « pop-up » qui surgissent sur notre écran ?
Il semblerait que non, car nos neurones rendent « saillants » ces
stimuli et organisent le déplacement instantané de nos yeux et de notre
attention. Celle-ci est sous l’influence de l’environnement, ce que l’on
appelle l’effet bottom up. Elle est
capturée et prise dans un enchaînement de réactions et de pensées que, pendant
un temps, nous ne contrôlons pas. Notre attention est en permanence réorientée
par des forces contraires. Ces stimulations intrusives sont précisément là pour
nous interrompre et nous amener à nous intéresser à un événement qu’il serait plus
important de traiter séance tenante. Et de fait, par automatisme attentionnel,
notre cerveau le considère dans un premier temps comme plus important.
Certes, d’autres
zones du cerveau (lobe frontal) permettent de revenir à notre activité, mais c’est
pour une courte durée, et au prix d’un
effort d’attention et une volonté marquée. A terme, cette capacité finit par
être diminuée.
Concentration
et prise de décisions perturbées
Ces
sollicitations incessantes ont pour effet une dispersion mentale qui est loin d’être
sans conséquences. La fréquence de la déconcentration finit par perturber de
façon durable notre faculté de concentration volontaire. Il devient de plus en
plus difficile de se centrer sur une seule activité, même lorsque nous en avons
la possibilité, tant l’habitude du zapping est intégrée. En effet, notre
système attentionnel automatique étant en permanence stimulé par l’environnement
sans avoir d’effort à faire, notre cerveau s’habitue à compter sur des signaux externes
pour réactiver sa vigilance. Ceci modifie de façon profonde les focalisations
cognitives et il devient alors très difficile de concentrer et maintenir son
attention volontairement.
Nos
engagements intellectuels deviennent également plus difficiles à prendre. Car
ces sollicitations nous obligent sans arrêt à faire des choix de priorités contradictoires,
perturbant notre cerveau qui ne sait alors plus quelle stratégie adopter. Cela finit par déstabiliser et retarder notre
capacité à prendre des décisions et à prioriser. Il devient d’ailleurs de plus
en plus fréquent d’intervenir en entreprise pour accompagner des collaborateurs
sur le thème de l’arbitrage des priorités.
Les effets
psychiques, physiologiques et sociaux des interruptions au travail
Les stimuli
qui polluent les environnements de travail et forcent notre attention créent un
sentiment d’urgence doublé d’une culpabilité : il faut choisir très vite
ce que l’on va traiter et le traiter tout aussi vite ! Tout est plus urgent que
l’urgence d’il y a 1 minute (25 % des personnes sondées par l’étude Sciforma on
déclaré ne travailler que dans l’urgence). Mais on ne peut plus rien traiter en
profondeur. Un sentiment de frustration et d’impuissance en vient souvent à se
développer qui émousse la perception de sens et d’utilité de sa contribution, voire
le souvenir du travail effectué dans la journée. Une surcharge de travail résulte
de ces multiples interruptions. Car la liste des tâches s’allonge au fur et à
mesure des sollicitations.
Non seulement
le bien-être diminue¹, mais l’épuisement cognitif, l’anxiété et le stress s’installent
inévitablement, de façon structurelle et toxique tandis que l’énergie mentale
diminue. Le cortisol (hormone du stress) sécrété durablement altère les
défenses immunitaires, la qualité du sommeil et conséquemment notre faculté à
gérer les situations. C’est une spirale pernicieuse et dangereuse.
Le sentiment d’isolement
s’accroît à juste titre. On ne quitte plus son poste de travail afin de ne
manquer aucune sollicitation, et parce qu’il est plus simple, pour poser une
question, d’envoyer un message instantané ou un email au lieu d’aller dans le
bureau juste à côté. Les relations interpersonnelles sont moins nombreuses et appauvries
en qualité. La communication virtuelle, directe, rapide, pressée et la plupart
du temps maladroite et parfois même hostile génère émotions négatives, agressivité ou même
conflits. C’est tout un climat qui est transformé. Le travail en équipe s’en
ressent fortement, la cohésion et l’envie collaborative étant largement dégradées.
Ajoutons que
selon une enquête en ligne2 réalisée auprès de 625 personnes aux
États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Norvège et à Hongkong, les collaborateurs
sont beaucoup moins impliqués et dans une concentration fortement diminuée lors
d’une communication électronique. Ils
sont en revanche beaucoup plus attentifs en présentiel. Notons qu’une personne
interrogée sur quatre (seulement !) a déclaré terminer réellement la
lecture d’un courrier électronique avant de le supprimer. Combien de messages
importants sont-ils supprimés ou oubliés ? Mais on peut également se demander
combien de messages envoyés et reçus sont réellement importants ?
Un travail
fragmenté altère gravement la performance et représente un coût financier
colossal
On choisit de
répondre à un collègue par email, on prend un appel téléphonique inattendu, on abandonne
une tâche pour se consacrer à une autre qui s’impose messagerie instantanée et qui
prend bien sûr 2 à 3 fois plus de temps que les 5 minutes que l’on comptait lui
accorder, etc.
Ces
perturbations cognitives ont un effet désastreux sur la performance. Car il en
résulte une fragmentation du travail
qui induit des retards de production et une perte de qualité.
En effet,
après l’interruption, il faut reprendre le fil du dossier qui nous occupait (pour
quelques minutes seulement puisque la prochaine interruption n’est pas loin). Or
le temps de retour à la concentration après interruption a été étudié par l’universitaire
californienne Gloria Mark et est en moyenne de 25 minutes !
Un rapport
récent démontre la perte de performance et le coût financier provoqués par les
interruptions de travail. Elaboré par Basex, spécialiste mondial des
interactions entreprises-environnement, il indique que les interruptions, dues
aux sollicitations diverses, engendrent une perte de temps de travail des salariés de 28 %, soit plus de 2
heures par jour. Ceci représente un coût de… 588 milliards de dollars sur une année ! Précisons en outre que l'étude a été menée sur la période 2004 à 2005. On peut imaginer que depuis lors, l'augmentation des sollicitations a pu grever ce montant, vu que les prévisions de l'étude évaluaient à 5% par an cette augmentation.
Quant au coût des communications inefficaces parce que non présentielles (emails notamment) il se monte à 297 milliards de dollars2.
Quant au coût des communications inefficaces parce que non présentielles (emails notamment) il se monte à 297 milliards de dollars2.
Un coût humain
énorme et des pertes financières… N’est-il pas temps pour nous de vous reparler
du management humaniste que nous préconisons, et qui décline des solutions
opérationnelles durables et performantes ?...
¹ Travaux de Christophe André, médecin psychiatre à
l’Hôpital Sainte-Anne – Paris
2 Etude RoperASW et TANDBERG